CinémaReligion8 juillet 20170Cherchez la femme

Avec « Cherchez la femme », Sou Abadi réalise un premier film mordant et drôle ; un film courageux aussi car il s’attaque à l’intégrisme musulman.

Armand (Félix Moati) et Leila (Camélia Jordana) sont tous deux étudiants à Sciences Po Paris. Ils s’aiment. Leila s’impatiente : quand son amoureux se décidera-t-il à la présenter à ses parents ? Armand est fils unique de Mitra (Anne Alvaro) et Sinna (Carl Malapa), des communistes iraniens qui, après avoir combattu le Shah au péril de leur vie, ont dû fuir la révolution des mollahs. Ses parents rêvent pour lui d’un grand mariage, qui consacrera leur intégration dans la bourgeoisie parisienne. La perspective qu’il épouse une beurette n’entre pas vraiment dans leurs plans.Quant à Leila, sa vie change brutalement lorsque son frère Mahmoud (William Lebghil) rentre d’une formation religieuse intensive – un lavage de cerveau – au Yémen. Il prétend mener une vie pure selon la charia. Il prétend aussi l’imposer à sa sœur, dont le stage à New-York est annulé et le passeport brûlé ; et à son petit frère, que « le frères » se chargent d’expédier, à son tour, au Yémen. Les photos de famille, symboles d’un passé impur, sont déchirées une à une.

Armand invente un stratagème : se travestir en femme pieuse revêtue de la burqa, visage voilé et mains gantées. Il pourra ainsi, sous la fausse identité de Shéhérazade, « recevoir des cours » de Leila dans l’intimité de sa chambre et s’occuper de « l’instruction religieuse du petit frère ». La manœuvre réussit au-delà de ses espoirs : Mahmoud tombe raide amoureux de Shéhérazade, dont l’érudition religieuse l’éblouit et qui, peu à peu, instille en lui une vision de l’islam douce, tolérante et poétique.

Mahmoud n’est pas seul à effectuer ce que dans le jargon à la mode on appellerait « de déradicalisation »net à recoller les morceaux de ses photos de famille. Les parents d’Armand, eux aussi, doivent accepter de reconsidérer leur passé de révolutionnaires vaincus et de consentir à ce qu’ils auraient considéré comme une mésalliance de leur fils.

On s’est souvent demandé, dans la foulée du massacre de Charlie Hebdo, si Rabbi Jacob pourrait-être réalisé et diffusé aujourd’hui. La réponse est oui : Sou Abadi en a eu l’audace. On trouve d’ailleurs de nombreuses analogies entre « Rabbi Jacob » et « Cherchez la femme » : le travestissement dans un habit religieux, l’aéroport comme scène d’un moment crucial, l’incongruité des situations poussée jusqu’à la farce.

On rit beaucoup dans cet hymne à la diversité. Bravo à la réalisatrice, au producteur et aux acteurs !

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