CinémaHistoireReligion15 novembre 20190Amen.

Arte TV a récemment diffusé « Amen », film de Costa Gavras qui raconte le combat mené par un officier SS et un prêtre jésuite au Vatican pour faire connaître et condamner par l’Église catholique et les Alliés l’extermination des Juifs.

Kurt Gerstein (Ulrich Tukur) est officier dans la SS. Chimiste de formation, il gère les stocks de produits chimiques destinés à l’assainissement de l’eau et à l’extermination de la vermine. Il se trouve impliqué dans la gestion des énormes de quantité de gaz toxique utilisée pour la solution finale : comment accroître la productivité des nettoyeurs chargés de retirer les cadavres des chambres à gaz, alors que chaque camp d’extermination reçoit plusieurs milliers « d’unités » par jour ? Il assiste à l’empoisonnement d’une fournée de déportés, femmes, hommes et enfants. Il décide de témoigner.

Ricardo Fontana (Mathieu Kassovitz), un jeune Jésuite, est secrétaire du nonce apostolique à Berlin. Son père est un fonctionnaire haut placé au Vatican, avec un accès direct au pape. Il apprend par Gerstein l’horreur qui est en train de se perpétrer.

Gerstein et Fontana décident d’unir leurs forces. Il s’agit de convaincre le pape de condamner le génocide. Et aussi de profiter de la présence au Vatican de l’ambassadeur des États-Unis pour convaincre les Alliés de s’opposer militairement au massacre, par exemple en bombardant les voies ferrées menant aux camps. Le pape refuse de s’engager ; les Alliés ont d’autres priorités. Sous les fenêtres du Vatican, des Juifs sont razziés et emmenés vers la mort. Silence de l’Église. Fontana choisit son camp et se laisse embarquer dans le convoi pour Auschwitz. Après la défaite allemande, Gerstein est emprisonné et accusé de participation au génocide.

« Amen » est un film fort. Il a suscité des réactions violentes de spectateurs l’accusant de falsifier l’histoire pour discréditer l’Église catholique : Pie XII aurait, individuellement, protégé des Juifs. Il reste que c’est la parole publique, ou plutôt le silence public, du Vatican qui est en cause.

Costa Gavras met en scène la crise existentielle de deux chrétiens, un protestant et un catholique, que leurs convictions mettent en conflit avec l’institution à laquelle ils appartiennent. En cela, son film dépasse son cadre historique. Il est aussi intéressant par les conflits qu’il laisse apparaître à l’intérieur d’organisations apparemment monolithiques. Du côté allemand, la défaite de Stalingrad n’a jamais existé ; mais les officiers préparent activement leur exfiltration lorsque le régime sera anéanti. Gerstein est promis à la cour martiale pour haute trahison, mais on lui donne en sous-main des laissez-passer. Au Vatican, on promet à Fontana de prendre position, mais on sait bien que l’Église ne sortira pas d’un silence qui lui a permis de survivre deux millénaires à toutes les péripéties historiques. D’un côté comme de l’autre, l’hypocrisie domine. Mais des justes prennent l’Évangile au sérieux, au péril de leur vie.

Une image forte du film : les trains de bestiaux qui reviennent des camps d’extermination toutes portes ouvertes, vides.

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