CinémaEconomie27 février 20110Inside Job

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Inside Job, le film documentaire de Charles Ferguson auquel Matt Damon prête sa voix, est actuellement projeté sur les écrans londoniens. C’est un réquisitoire contre l’irresponsabilité des banques et des pouvoirs publics américains avant la crise financière et, malheureusement, aussi après.

La dérégulation du système financier, initiée par Ronald Reagan et poursuivie avec enthousiasme par les présidents Bush, Clinton et Bush sous la supervision complaisante du Gouverneur de la Fed Alan Greenspan, a mené le monde au désastre de la crise financière de 2008.

Au long des années 2000, les crédits se sont mis à représenter un multiple de plus en plus élevé des dépôts des banques. Saucissonnés et réassemblés en instruments financiers composites regroupant plusieurs classes de risques dans plusieurs pays, labellisés par les agences de rating, ces crédits étaient revendus à des investisseurs. Ceux-ci, à leur tour, pouvaient se protéger contre le risque inhérent à ces instruments par des contrats d’assurance, les « credit default swaps, » CDS. Dégagées du risque final, les banques consentaient des crédits à des débiteurs de moins en moins solvables, en particulier des crédits immobiliers « subprime » à des ménages incapables de rembourser. Le film montre une commission d’enquête du Congrès accusant les dirigeants de Morgan Stanley d’avoir encouragé ses clients à acheter des instruments financiers poubelle, tout en spéculant eux-mêmes sur leur probable fiasco : double profit pour la banque, et escroquerie caractérisée.

Inside Job est fondé sur des images d’archive tournées aux moments-clé de la crise, dont celles, fameuses, montrant les employés de Lehman Brothers emportant leurs effets personnels dans des cartons au matin de la faillite de la banque ; des images fortes, comme celles de lotissements neufs désertés de leurs propriétaires et envahis de mauvaises herbes ; des graphiques vertigineux ; et des interviews impressionnantes.

Beaucoup d’acteurs, pour ne pas dire coupables, de la crise financière, avaient prudemment refusé d’être interrogés. Ceux qui, par inconscience ou vanité, se sont prêtés au jeu, doivent amèrement le regretter. Les visages sont filmés en plan serré, sans coupure. L’interviewer pose sur un ton anodin des questions terriblement embarrassantes, par exemple la rémunération perçue par un professeur d’université pour rédiger un rapport vantant la stabilité du système financier islandais, quelques semaines avant qu’il ne succombe dans la faillite et le scandale. La caméra enregistre sans pitié le sang qui afflue, la gorge qui se noue, les silences, les rictus, les bégaiements.

Les deux interviewés français se tirent bien de cet exercice périlleux : Dominique Strauss-Kahn et Christine Lagarde, chacun de son côté, s’étonnent de l’absence de regrets de la part des banques par qui tant de souffrances sont arrivées.

Le film est sévère pour l’Administration Obama, dont les conseillers économiques viennent des banques et sont des partisans convaincus de la libéralisation financière : de quoi être inquiet pour l’avenir !

Photo du film « Inside Job » de Charles Ferguson.

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