Cinéma23 octobre 20130La vie d’Adèle

Le réalisateur de « la vie d’Adèle », Abdellatif Kechiche et ses deux interprètes, Léa Seydoux et Adèle Exarchopoulos, ont conjointement reçu la Palme d’Or au Festival de Cannes, à l’unanimité du jury. C’est justice : ce film est exceptionnel.

 L’histoire que raconte le film est toute simple. Adèle (Adèle Exarchopoulos), lycéenne de 15 ans en classe de première classique, a le coup de foudre pour Emma (Léa Seydoux), une femme de plusieurs années son aînée, qui fait l’école des beaux-arts. Entre les deux femmes, c’est un amour charnel, passionnel. Quelques années passent. Adèle a atteint son objectif de devenir institutrice ; Emma a l’ambition de devenir une artiste connue et cotée. Les deux femmes vivent ensemble.

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Emma est de plus en plus occupée par son travail. Adèle, esseulée, se laisse aller à une aventure avec un collègue de travail. Emma ne supporte pas cette trahison et hurle à Adèle : « sors de ma vie ! ». Blessée, déstabilisée, Adèle frise une profonde dépression dont seule son activité auprès des enfants la protège. Elle reste passionnément amoureuse d’Emma, mais celle-ci ne l’aime plus. Adèle va devoir réinventer sa vie.

 Abdellatif Kechiche nous livre un chef d’œuvre du septième art. La littérature ou le théâtre parlent souvent avec brio de l’amour et de la trahison. Seul le cinéma est capable de s’attarder sur un visage en gros plan et laisser voir l’émotion qui le fait rougir, les larmes retenues et qui franchissent les digues de la pudeur, les corps nus dans la flamme de la passion.

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 Le film dure près de trois heures, mais il ne souffre d’aucune longueur. Adèle est au bar d’un bar gay où un ami l’a emmenée, espérant secrètement que la femme à la chevelure bleue l’aborde. Celle-ci l’approche en effet. Un dialogue en apparence insignifiant s’engage ainsi, qui es-tu, que fais-tu, mais dans ces propos banals qui s’éternisent, on devine le feu de la passion.

 Les deux actrices sont remarquables. Adèle est bourrée de contradictions : elle sait ce qu’elle aime – la bonne littérature – et ce qu’elle veut faire – institutrice de maternelle. Mais elle ignore qui elle est, elle ne sait pas même qu’elle est belle, elle ne saurait dire si elle aime les filles ou les garçons. Elle n’a pas d’ambition, et est heureuse de ce qu’elle a, et surtout de celle qu’elle a : Emma.

 Et justement, Emma est tout le contraire. Elle regarde Adèle d’un regard oblique, la jauge, l’observe comme une proie. Elle voudrait qu’elle soit ambitieuse, qu’elle écrive des livres. Mais on sent bien que l’absence d’ambition d’Adèle lui convient : elle exerce sur elle une totale domination. Elle veut Adèle pour elle et pour elle seule. Lorsqu’elle se sent trompée, elle entre dans une rage hystérique.

 Le réalisateur met à nu ses actrices, « à poils » comme dit Exarchopoulos sans détour, mais surtout sous la loupe des sentiments. Quel beau film !

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