ActualitéEconomieSociété29 juillet 20130La ville de Detroit en faillite

La ville de Detroit dans le Michigan (Etats-Unis) vient de se déclarer en faillite. Que va-t-il maintenant se passer ?

 On estime la dette de la ville de Detroit à plus de 18 milliards de dollars. Deux fonds de pension d’anciens employés municipaux, incluant des policiers et des pompiers, ont sur la ville une créance de 9.2 milliards de dollars. Plus de 100.000 créanciers ont été recensés. Un petit nombre de ces créanciers sont privilégiés, c’est-à-dire qu’ils peuvent faire vendre des actifs de la ville : c’est le cas des compagnies en charge de la gestion de l’eau et des égouts.

 

Le maire de Detroit Dave Bing et le manager d'urgence Kevin Orr annoncent la mise de Detroit sous la protection du Chapitre 9
Le maire de Detroit DAve Bing et le manager d’urgence Kevin Orr annoncent la mise de Detroit sous la protection du Chapitre 9

La principale cause de cette situation est la crise de l’industrie automobile, qui a fait chuter la population de 1,8 millions d’habitants vers 1950 à 700.000 aujourd’hui. Les recettes fiscales ont baissé, mais les infrastructures à entretenir sont restées.

 Techniquement, la faillite prend la forme d’une protection accordée par le juge à la ville, en vertu du chapitre 9 de la loi sur les faillites. La ville est autorisée à maintenir ses services et les poursuites engagées par ses créanciers sont suspendues, le temps qu’un plan de sortie de crise soit approuvé par le juge. Ce plan peut inclure des licenciements parmi les 10.000 employés municipaux, la vente d’actifs (par exemple les Van Gogh de la Detroit Collection of Art) ainsi que des annulations partielles de créances détenues par des porteurs d’obligations ou par les caisses qui payent les pensions et les dépenses de santé des quelque 30.000 employés municipaux à la retraite.

 Le manager d’urgence mandaté par le gouverneur du Michigan, Kevin D. Orr, a tenté d’obtenir des réductions de créances par voie amiable, mais n’y a pas réussi. C’est ce qui a conduit à la procédure judiciaire actuelle. Celle-ci peut durer des années, tant la situation est inextricable.

 Réduire les services publics semble impraticable. Ceux-ci sont dans un état de délabrement incroyable : 40% des réverbères d’éclairage public sont hors d’usage ; plusieurs ambulances de la ville ont plus de 300.000 miles au compteur, et seules 10 à 14 sont en service sur un effectif de 36 ; le temps moyen de réponse de la police aux appels d’urgence est de 58 minutes. Kevin Orr estime qu’il sera nécessaire d’investir 1.25 milliards de dollars sur 10 ans dans les infrastructures.

 Les syndicats et les fonds de pension estiment que réduire unilatéralement leur créance sur la ville serait inconstitutionnel.

 Les marchés financiers observeront attentivement le sort qui sera réservé aux porteurs d’obligations émises par la ville de Detroit. Les obligations municipales sont généralement considérées sans risque. Si les porteurs devaient essuyer des pertes significatives, les taux sur ce type de placement pourraient s’élever, et avec eux les conditions de financement d’un grand nombre de villes lourdement endettées.

 La crise de Detroit est sociale avant d’être financière. Une âpre bataille va se jouer entre les intérêts contradictoires des habitants, des retraités, des épargnants et des autres créanciers. A tous les acteurs, il faudra de l’imagination et de la persévérance.

Passant devant une ancienne usine de General Motors à Detroit
Passant devant une ancienne usine de General Motors à Detroit

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