SantéScience4 avril 20140Le Cerveau d’Hugo

France 3 a récemment diffusé un magnifique docu-fiction sur l’autisme réalisé par Sophie Révil en 2012 : « le cerveau d’Hugo ».

Les sujets du film sont des personnes atteintes du syndrome d’Asperger, ou autisme de haut niveau. Elles ont une intelligence normale ou supérieure à la moyenne mais souffrent de graves troubles de la communication et de la socialisation.

Thomas Coumans dans le rôle d'Hugo, autiste Asperger devenu pianiste virtuose
Thomas Coumans dans le rôle d’Hugo, autiste Asperger devenu pianiste virtuose

 

La fiction est centrée sur Hugo, un enfant autiste dont on pense pendant longtemps qu’il ne pourra jamais parler. Il se révèlera un prodige du piano. La caméra saisit des moments de sa vie à trois, six, quatorze et vingt-deux ans. C’est à vingt deux ans qu’il se présente à un concours de piano auquel il échoue une première fois car incapable de maîtriser son émotion après une fausse note. Il finira par réussir à la seconde tentative. L’acteur Thomas Coumans joue Hugo jeune adulte, et l’actrice Arly Jover sa mère. Leur performance est remarquable.

 Le film montre l’angoisse de la mère, le rejet impitoyable et méchant des élèves du collège confrontés à quelqu’un de différent, la souffrance du jeune autiste à ne pas savoir établir des relations justes avec les autres, en particulier ceux du sexe opposé,  la difficulté des psychiatres à porter un diagnostic juste et à préconiser un traitement adapté. En contrepoint de la fiction sur le destin d’Hugo, des autistes Asperger témoignent de leur condition. Certains portent dans leur attitude ou leur ton de voix les stigmates de leur handicap ; d’autres ont si bien appris les codes d’un comportement adapté qu’on discerne à peine une « anomalie ». Un témoignage émouvant est celui d’une adolescente qui s’exprime aux côtés de son frère, et dit la souffrance qu’elle éprouve de le voir ostracisé et méprisé.

 Un troisième aspect du film, mêlé à la fiction et aux témoignages, est un apport scientifique. Le documentaire s’intéresse en particulier à « la forteresse vide » de Bruno Bettelheim, livre publié en 1967 dans lequel l’auteur voyait dans les relations de la mère et de l’enfant la cause de l’autisme. S’ensuivirent des thérapies consistant à couper l’enfant de sa mère. On sait aujourd’hui que l’autisme a une origine neuronale, et les traitements insistent au contraire sur le rôle primordial des parents.

 Il est difficile de ne pas faire un parallèle avec la « biographie de cancer » de Siddharta Mukherjee, dont « transhumances » a rendu compte. Dans les années cinquante et soixante, les chirurgiens pratiquaient des amputations massives chez les patients cancéreux, dans la croyance que cela allait enrayer la propagation de la maladie. Aujourd’hui, on sait que le cancer est un dérèglement du « programme » de multiplication des cellules, et on s’efforce par des médicaments ciblés de le reprogrammer correctement. C’est une sorte de mutilation – symbolique – que préconisaient Bettelheim et ses disciples en coupant les enfants de leur mère.

 Le cerveau d’Hugo » est un film résolument optimiste. Il montre des personnes atteintes du syndrome d’Asperger qui gagnent leur vie et fondent une famille. Dans un blog de Libération au moment de la première sortie du documentaire sur France 2 en novembre 2012,  Armand T soulignait que seuls 6% des autistes présentaient le syndrome d’Asperger. Il craignait que nombre de familles se sentent « encore une fois mises à l’écart, encore une fois marginalisées avec leur autiste à elles, atypique, sans langage, mutique, dysphasique, dyspraxique, dysmorphique, voire épileptique, trisomique, psychotique, handicapé physique…  Les yeux écarquillés devant toutes ces méthodes suggérées miraculeuses qu’on ne leur a jamais proposées, parce que chaque autiste a son parcours, unique parce que chaque autiste est unique dans son développement et ses atteintes propres et chaque méthode spécifique. » Il évoquait « la détresse de ces humanités-là, la dureté des heures qui passent, la puissance des déflagrations de l’esprit, la profondeur de l’abîme de ce qu’est l’autisme au quotidien. L’autisme de base, vu du sol. Dans l’absolue majorité des cas. »

 Il reste que « le Cerveau d’Hugo » est un film formidable pour faire comprendre quelque chose de l’autisme aux nombreux spectateurs qui n’y sont pas personnellement confrontés, et pour les convaincre d’y regarder à deux fois avant de juger, de mépriser et d’exclure.

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