Le moment de ma vie

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Le Watford Palace Theatre de Watford présente actuellement une pièce de Alan Ayckbourne intitulée « Time of my life ». Ce « moment de la vie » est celui où l’on a été vraiment heureux sans m’en apercevoir tout de suite, seulement après que le temps a passé, lorsqu’il trop tard pour le savourer.

Le 18 janvier 1992 (année de la création de la pièce), Laura célèbre son cinquante quatrième anniversaire dans un restaurant oriental en compagnie de son mari, Gerry, de leur fils aîné Glyn accompagné de son épouse Stéphanie et de leur fils cadet Adam qui profite de l’occasion pour présenter sa fiancée Maureen. Glyn parlera quelques semaines plus tard d’un moment de bonheur : il vient de se réconcilier avec Stéphanie, Adam a enfin une fiancée et il est bon de se retrouver en famille pour célébrer l’anniversaire de sa maman.

En réalité, les flûtes à champagne sont fêlées, ainsi que le représente joliment l’affiche de la pièce. Laura n’aime pas son fils Glyn et son épouse, qu’elle juge trop conventionnels. Elle ne supporte pas que Maureen lui prenne son Adam chéri, et son aversion est exaspérée par le fait que celle-ci vient d’un milieu social inférieur qu’elle méprise. Le moment de bonheur tourne au désastre. Maureen vomit, au sens physique du terme, cette famille qui la rejette. Restés seuls, Gerry et Laura règlent des comptes  sur des infidélités vieilles de vingt ans. Gerry avoue que son affaire bat de l’aile. Ils boivent plus que de raison. Sur la route du retour, ils auront un accident dont Gerry mourra.

Le cadeau d’anniversaire de Glyn à Laura est une horloge. Le symbole est bien trouvé, car la pièce d’Ayckbourne est un mécanisme d’horlogerie.  Elle se déroule en deux actes et vingt scènes. Dix scènes sont consacrées au dîner d’anniversaire, d’abord avec toute la famille, puis uniquement en tête à tête entre Laura et Gerry, parfois troublé par l’intervention exotique et hilarante du patron ou des serveurs du restaurant. Cinq scènes remontent le temps. On y voit, à rebours, la relation d’Adam et Maureen se construire, de la bague de fiançailles à la première rencontre, par hasard et par erreur. Cinq scènes descendent le cours du temps.  Malgré ses promesses, Glyn trompe de nouveau Stéphanie, qui est enceinte de leur deuxième enfant. Il joue les forts à bras et les magnanimes : il redressera les affaires de son père, il sera toujours là si Stéphanie a besoin de lui. Lorsqu’il annonce à Stéphanie qu’il la quitte, celle-ci est effondrée et une montagne de pâtisseries orientales ne parvient pas à la consoler. Mais lorsqu’ils se revoient plusieurs mois plus tard, c’est une femme reconstruite qui lui demande le divorce, alors que Glyn est allé d’échec professionnel en fiasco sentimental.

On prend beaucoup de plaisir à cette pièce sur le temps qui s’enfuit et, semble-t-il, sur l’impossibilité du couple. On passe sans cesse du rire aux larmes. Les comédiens sont formidables, avec une mention spéciale pour le couple Glyn / Stéphanie (Chris Kelham / Anna O’Grady) et pour le propriétaire de l’improbable restaurant Calvinu (Gregory Gudgeon).

Illustration : affiche de « Time of my life ».

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