Dans « les innocentes », la réalisatrice Anne Fontaine plonge dans la vie d’un couvent de Bénédictines dévasté par la violence d’un viol collectif.
En 1945, l’Armée Rouge a envahi la Pologne. Trois jours durant, des soldats violent la vingtaine de religieuses d’un petit couvent de Bénédictines. La hantise de la mère supérieure (Agata Kulesza, déjà protagoniste de Ida) est de protéger ses ouailles du scandale (de même que, dans le film Spotlight, l’évêque de Boston est obsédé par le risque que la révélation des agissements de prêtres pédophiles entache la réputation de l’Église). Neuf mois plus tard, c’est l’heure des accouchements.
Le premier accouchement se présente mal, la parturiente souffre atrocement. À l’insu de la mère supérieure, une jeune novice demande l’aide d’un dispensaire français chargé de soigner et de rapatrier les blessés français. Une jeune médecin, Mathilde Beaulieu (Lou de Laâge) est embarquée dans la tempête qui bouleverse le couvent. Elle pratique une césarienne et sauve l’enfant. À l’insu de sa hiérarchie, elle revient secrètement chaque jour.
Le rôle de Mathilde n’est pas simple. Outre l’hostilité de la mère supérieure, qui craint qu’elle révèle le scandale, elle doit vaincre les résistances des nonnes elles-mêmes, à qui l’idée qu’on voie leur corps et plus encore qu’on le touche, est insupportable ; des femmes qui se considèrent comme pécheresses pour avoir enfreint leur vœu de chasteté, comme si le péché n’était pas du côté de ceux qui les ont violentées.
Mathilde lie peu à peu amitié avec Sœur Maria (Agata Buzek) qui arrache à la mère supérieure qu’elle autorise sa présence. Maria a eu une vie sentimentale avant d’entrer au couvent. La vie de ses sœurs en détresse, la vie des bébés qu’elles mettent au monde, sont pour elle plus importantes que le scandale et ses épouvantables conséquences. Elle donne à Mathilde, qui vient d’une famille communiste, les clés pour comprendre ce qui se passe dans cette communauté « d’épouses du Christ ». Anne Fontaine parle du « questionnement métaphysique qui traverse et modifie le personnage. Comment comprendre le sens de la vie dans un tel chaos ? Comment survivre à la violence qui a aussi fortement marqué les chairs des religieuses polonaises ? Comment juger leur foi, qui semble survivre à une épreuve aussi douloureuse ? »
Au dispensaire français, Mathilde fait équipe avec Samuel (Vincent Macaigne), survivant désabusé d’une famille juive exterminée. Lorsque plusieurs sœurs accouchent simultanément, elle fait appel à lui. Il est arrivé à Mathilde et Samuel de faire l’amour. L’extraordinaire expérience vécue dans un couvent polonais scelle peut-être, un grand amour.
Le désert de Tartares est effectivement un livre important pour qui à suffisamment de courage pour affronter le dilemme de l’utilité de sa propre vie. C’est un livre merveilleusement écrit qui m’a en outre servi à considérer ma propre vie avec optimisme.