« Les jours venus », film de Romain Goupil, est un film doux amer sur le passage de la soixantaine.
« Les jours venus » est l’expression qu’utilisent les pompes funèbres pour désigner le trépas, ce sinistre qui déclenchera le paiement de l’indemnité de l’assurance-obsèques que Romain vient de contracter. Il a atteint soixante ans et la caisse de retraite (en réalité une nébuleuse de caisses de retraite qui ne cessent de fusionner et de changer de nom) lui rappelle qu’il doit clarifier sa situation.
Pour Romain, c’est un véritable passage. Il se rend compte qu’il entre dans la dernière phase de sa vie et que la mort est en vue. Alors qu’il traverse une rue, un piano s’écrase à quelques mètres de lui. La fin du concert est proche.
Son fils et des camarades l’interviewent sur son passé de leader lycéen en mai 1968. Sa nouvelle banquière (Valéria Bruni-Tedeschi) l’interroge sur ce qu’il faudrait faire, d’urgence, pour arrêter les massacres en Syrie (Goupil a été partisan de l’intervention de Bush et Blair contre Saddam Hussein). Romain Goupil se rappelle la guerre en Bosnie qu’il avait filmée, et la rencontre à Sarajevo de la femme de sa vie. Il rêve d’un film dans la Lybie déchirée et dévastée, mais pressent qu’il ne le réalisera pas.
Il reste militant, mais le vaste monde semble se restreindre à l’association des locataires de son immeuble. Avec Marie (Marina Hands), une jeune femme qui ne dit pouvoir aimer que des hommes vieux, il prend le pouvoir et utilise les bonnes vieilles techniques trotskystes de manipulation pour arriver à ses fins. Il remarque que, dans sa jeunesse, les mots d’ordre se terminaient en « –isme » : impérialisme, capitalisme, fascisme. Aujourd’hui, ils finissent en « -able » : durable, soutenable, et, ajoute-t-il un brin désabusé, portable, jetable, minable !
Dans le métro, il reluque le décolleté vertigineux d’une jeune passagère. Croisant son regard, celle-ci… offre sa place à l’homme âgé qu’il est devenu.
Les jours sont venus. On assiste aux obsèques de Romain, avec la foule éplorée de sa famille et de ses amis dont, naturellement, Daniel Cohn Bendit. Mais soudain retentit la voix de Romain, juché sur un élévateur, prenant à parti à grands cris sa troupe de comédiens incapables.
« Les jours venus » mélange l’autobiographie et des épisodes fictionnels souvent drôles. Après avoir vu d’excellents films à gros budgets, en particulier les biopics britanniques sur Stephen Hawking et Alan Turing, son caractère bricolé et artisanal est rafraîchissant.