« Pereira soutient : un témoignage », roman d’Antonio Tabucchi (1994) raconte l’entrée en résistance d’un journaliste catholique portugais en 1938.
Le livre est écrit à la troisième personne : l’auteur recueille les confidences de Pereira longtemps après les faits qu’il relate. L’expression « Pereira soutient » revient sans cesse dans le récit. On pourrait penser qu’elle indique une prise de distance, un doute vis-à-vis de ce que raconte Pereira. Le sous-titre « un témoignage » indique au contraire que les affirmations de Pereira sont des pièces à charge dans le dossier de la dictature.
En 1938, le dictateur Salazar est au pouvoir depuis six ans et impose l’État Nouveau, un régime politique catholique, nationaliste et conservateur. Il soutient activement Franco, qui est en train de triompher des Républicains en Espagne, avec l’aide des régimes fasciste d’Italie et nazi d’Allemagne.
Pereira est un journaliste qui a écrit pendant trente ans des chroniques dans de grands journaux portugais. Il est maintenant responsable de la page culturelle d’un nouveau journal, le Lisboa.
Pereira vit seul depuis la mort de sa femme, avec la photo de qui il tient de longues conversations-monologues. Il a ses habitudes au Café Orquidea, dont le serveur est mieux informé que les journaux bridés par la censure. Sa santé ne va pas fort : en surpoids, il est facilement essoufflé et souffre de palpitations. Pereira pense à la mort.
Penser à la mort introduit chez Pereira une première, minuscule fêlure : il ne croit pas en la résurrection de la chair, et du reste l’idée de passer l’éternité en compagnie du corps de tel ou tel le répugne. Pereira entre en relation avec Monteiro Rossi, un binational italo-portugais, et avec sa fiancée Marta. Les deux sont engagés dans la résistance au pouvoir, ils recrutent des volontaires pour les Brigades internationales en Espagne.
Un prêtre ami de Pereira lui parle de la dissidence du clergé basque, qui n’accepte pas l’allégeance de l’Église espagnole à la sédition franquiste. Le médecin du centre de thalassothérapie où il suit une semaine de cure lui annonce son intention d’émigrer.
Pereira est fasciné par les écrivains catholiques français, en particulier Bernanos et Mauriac, qui ont l’audace de rompre avec le courant dominant du catholicisme et d’en appeler à l’Évangile. Tout est réuni pour que soudain, en quelques heures, Pereira entre en résistance.
Antonio Tabucchi (1943 -2012) a été le traducteur de Pessoa en italien et avait fait de Lisbonne sa seconde patrie. Il fut un ferme opposant à Silvio Berlusconi. Lors des élections de 1995, année suivant la publication de « Pereira soutient », le personnage du roman fut utilisé dans la campagne électorale comme symbole de résistance.
Une réflexion sur « Pereira soutient »