Justice4 décembre 20160Questions sur la justice restaurative

La justice restaurative commence à susciter de l’engouement en France. Passer à la pratique soulève des questions.

La conférence européenne sur la justice restaurative organisée récemment à Paris par la fédération Citoyens & Justice a mis en évidence à la fois ses potentialités pour rénover la justice pénale et les nombreuses difficultés qui se posent pour son application.

La loi pénale du 15 août 2014 a créé une place en droit français pour la Justice restaurative. Son article 18 stipule en effet que « À l’occasion de toute procédure pénale et à tous les stades de la procédure, y compris lors de l’exécution de la peine, la victime et l’auteur d’une infraction, sous réserve que les faits aient été reconnus, peuvent se voir proposer une mesure de justice restaurative.

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La justice restaurative a fait son entrée dans le droit français

« Constitue une mesure de justice restaurative toute mesure permettant à une victime ainsi qu’à l’auteur d’une infraction de participer activement à la résolution des difficultés résultant de l’infraction, et notamment à la réparation des préjudices de toute nature résultant de sa commission. Cette mesure ne peut intervenir qu’après que la victime et l’auteur de l’infraction ont reçu une information complète à son sujet et ont consenti expressément à y participer. Elle est mise en œuvre par un tiers indépendant formé à cet effet, sous le contrôle de l’autorité judiciaire ou, à la demande de celle-ci, de l’administration pénitentiaire. Elle est confidentielle, sauf accord contraire des parties et excepté les cas où un intérêt supérieur lié à la nécessité de prévenir ou de réprimer des infractions justifie que des informations relatives au déroulement de la mesure soient portées à la connaissance du procureur de la République. »

Les services du ministère de la Justice travaillent actuellement à un projet de circulaire qui donnerait de la réalité à ce qui est pour le moment, à quelques expérimentations près, une coquille vide.

La loi rattache expressément la justice restaurative à une procédure pénale. Ce faisant elle écarte un modèle que Lode Walgrave (Université de Louvain) qualifie de « diversionniste ». Dans certains pays, en effet, elle est utilisée pour régler des infractions légères avant que s’engage une procédure.

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Qui peut engager une mesure de justice restaurative et comment ?

Dans certains cas, une mesure de justice restaurative ne peut être engagée parce qu’elle ferait courir trop de risque psychologique à la victime et même à l’infracteur. Qui décidera, au-delà de l’information et du consentement requis par la loi, d’engager ou non cette mesure ?

On remarque dans la loi l’absence de ce que les anglo-saxons nomment « the community ». En France, la notion de « communauté » sent le soufre, on y renifle le « communautarisme » opposé à la citoyenneté laïque. Pourtant, il est fréquent que l’entourage de la victime soit lui aussi touché par les conséquences d’une infraction. C’est très net dans le cas d’une famille affectée par des actes pédophiles. Va-t-on élargir le concept de « victime » à l’entourage de la victime ? La victime peut-elle être représentée par une association ?

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La question du tiers indépendant et formé

De même, la notion de « tiers indépendant formé à cet effet » devra être précisé. Les formations à la justice restaurative dispensées par des associations actuellement vont d’une journée à plusieurs semaines. Quelles seront les qualifications exigées ? Des diplômes seront-ils demandés ? Les faciliteurs de processus de justice restaurative seront-ils salariés ou bénévoles ? Un visiteur de prison, dont la mission est d’écouter et d’accompagner des personnes détenues, ou, de manière symétrique, le bénévole d’une association de défense des victimes, pourront-ils être reconnus comme « tiers indépendants » ?

La justice restaurative, en France, sera liée à une procédure pénale. Mais comment va-t-elle s’articuler avec la procédure ? Avant la sentence, si les parties trouvent un accord, comment sera-t-il communiqué au juge ? À quel stade les avocats doivent-ils intervenir ?

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S’appuyer sur la recherche scientifique

Il existe de multiples familles de mesures de justice restaurative, ainsi que le relève l’Institut Français pour la Justice Restaurative, IFJR. Comment va-t-on mesurer l’efficacité des mesures de justice restaurative, dont l’objectif est de réduire le dommage provoqué par une infraction ? Quels critères va-t-on utiliser pour définir qu’une manière de faire est préférable à une autre ?

Au terme de la conférence de Citoyens & Justice, s’est imposée la nécessité de s’appuyer sur les recherches en sciences sociales, et particulièrement en criminologie. Le ministère de la Justice donnera probablement des réponses à certaines questions soulevées par la mise en œuvre de la justice restaurative en France, mais la pratique aura besoin de fondements théoriques solides. On notera notamment le site du « European Forum for Restorative Justice », qui offre une perspective européenne sur un sujet où, en France, on en est encore à des balbutiements.

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