CinémaItalieTélévision29 décembre 20120Reality

« Reality », film de Matteo Garrone, a reçu le prix du jury du festival de Cannes en 2012.

 Dès la première scène, le décor est planté. Un carrosse digne de celui de la Reine d’Angleterre s’achemine vers un château de la région de Naples. Des jeunes époux en descendent. Le clou de leur soirée de mariage sera l’intervention – très brève – d’Enzo, le vainqueur de la dernière édition de « Grande Fratello », l’équivalent italien du Loft. Enzo dit que c’est la plus belle mariée du monde et leur donne un conseil : « never give up », n’abandonnez jamais ! Ce sera d’ailleurs le clou d’autres mariages célébrés le même soir dans le même château avec des plus belles mariées du monde interchangeables et le même conseil : « never give up ».

 Le décor où vit la famille Ciotola est tout aussi théâtral. Il s’agit d’un palais napolitain délabré donnant sur une place dont tous les habitants se connaissent. Luciano (Aniello Arena) est père de famille : il a trois enfants et plusieurs oncles et tantes à charge. Il est le poissonnier de son quartier. Pour joindre les deux bouts, il gère une arnaque aux robots ménagers imaginée par sa femme, Maria (Loredana Simioli) ; il joue aussi occasionnellement le rôle d’un Drag Queen dans le palais des mariages.

 C’est là que Luciano fait la connaissance d’Enzo. Il se trouve que « Grande Fratello » organise à Naples un casting. Poussé par ses enfants, Luciano tente sa chance. Son bas-goût, son profil de prolétaire plaisent aux organisateurs. Il est convoqué à Rome. On lui laisse entendre qu’il a été sélectionné pour « entrer dans la maison ».

 La vie de Luciano bascule. Sûr de devenir célèbre et riche, il vend sa poissonnerie et adapte son comportement aux critères qu’il imagine que suivent les organisateurs de ce Reality Show. Il se croit épié par leurs espions. La télévision rend fou, dit-on. Luciano perd contact avec la réalité et sombre dans la paranoïa.

 Maria croit le remettre sur les rails grâce à la direction spirituelle d’un prêtre catholique. Mais lors d’une procession du vendredi saint au Colisée, Luciano s’échappe. Il rejoint Cinecittà et entre dans le saint du saint : la « maison » des « frères » du Grande Fratello. Il ricane, de satisfaction pour avoir réussi son effraction, ou de désespoir pour avoir ruiné sa vie pour un rêve vain.

 « Reality » est un excellent film, drôle et tragique, dans la droite ligne de Fellini. Le sujet qu’il aborde, le pouvoir de la télévision, est évidemment particulièrement pertinent au pays de Berlusconi. Mais la machine à produire des images vides gravées dans la tête des pauvres est un fléau universel.

Aniello Arena dans « Reality »

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