SociétéTélévision19 septembre 20160Révolution École

Arte TV a récemment diffusé un passionnant reportage de Joanna Grudzinska sur l’histoire de l’Éducation nouvelle entre les deux guerres mondiales.

Le reportage est réalisé entièrement à partir de films et de photos d’époque. On y voit les pionniers d’une pédagogie différente que furent Rudolf Steiner, Maria Montessori, Célestin Freinet, Alexander S. Neill, Ovide Decroly, Paul Geheeb ou Janusz Korczak. La ligue internationale de l’Éducation nouvelle, créée à l’initiative du Suisse Adolphe Ferrière, fut un mouvement vibrant d’énergie. Elle se réunit en congrès sept fois entre 1923 et 1937. Le congrès de Locarno, par exemple, rassembla 1.200 participants venus de 42 pays.

Je connais bien les principes de la pédagogie nouvelle, pour avoir été vers 1990 parent d’élèves à l’École nouvelle d’Antony, créée par Marie (Nina) et Noël Rist en 1961 : la confiance en l’enfant, qui est un feu qu’on allume et non un vase qu’on remplit, selon les mots de Korczak ; la priorité à une approche sensorielle des apprentissages ; le respect du rythme d’apprentissage de chaque enfant (peu importe s’il préfère à tel moment jouer plutôt que d’apprendre) ; la volonté de laisser l’enfant explorer le monde qui l’entoure, en valorisant autant les activités manuelles, physiques et artistiques que le travail intellectuel ; l’autogouvernement de la classe par les enfants et la gestion des conflits par eux-mêmes ; la priorité donnée à la coopération sur la compétition.

Zur ARTE-Sendung Die Kinder entdecken Schulreformen 1919 bis 1939 4: Nach dem Ersten Weltkrieg versucht man, andere Schulmethoden anzuwenden und den Unterricht mit Handwerk zu ergänzen. © Stadtarchiv Darmstadt Foto: ARTE France Honorarfreie Verwendung nur im Zusammenhang mit genannter Sendung und bei folgender Nennung "Bild: Sendeanstalt/Copyright". Andere Verwendungen nur nach vorheriger Absprache: ARTE-Bildredaktion, Silke Wölk Tel.: +33 3 881 422 25, E-Mail: bildredaktion@arte.tv

Contexte historique

Le documentaire de Joanna Grudzinska met ce mouvement pédagogique dans son contexte historique. Il s’est développé au lendemain de la première guerre mondiale. Partout en Europe, l’enseignement avait développé, comme vertus cardinales, la passivité et la docilité. Il avait réussi à formater de braves soldats prêts à affronter la mort si on leur en donnait l’ordre. L’installation d’une paix durable dans une société des nations civilisée passait par un changement radical dans la pédagogie. Autrefois, on cherchait à former des enfants dépendants et obéissants ; il faudrait désormais leur apprendre à être autonomes et à se forger leurs propres opinions.

Dans les années 1920, ce mouvement connut un succès phénoménal et planétaire. Mais il allait se casser les dents, dans la décennie suivante, sur les totalitarismes. Toutefois, il y eut au début, paradoxalement, une lune de miel entre les dictatures militaristes et une pédagogie essentiellement pacifiste. En Italie, Mussolini était fasciné par l’aura internationale de Maria Montessori. Pour montrer au monde que l’Italie fasciste était à la pointe de l’éducation, il finança les jardins d’enfants Montessori de 1928 à 1934, date à laquelle la « Dottoressa » rompit avec le régime.

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Maria Montessori

L’Éducation nouvelle, un luxe ?

En Union Soviétique, la femme de Lénine, Nadeschda Kupskaia, toute entière dédiée au projet de créer un « homme nouveau », encouragea l’éducation nouvelle. L’accession au pouvoir de Staline étouffa ce mouvement. En Allemagne même, les Nazis furent sensibles à un aspect de l’éducation nouvelle : la volonté d’être proche de la nature, l’exaltation du corps de l’enfant dans sa nudité. Ils maintinrent en vie l’école de Paul Geheeb, tout en nazifiant l’effectif enseignant.

Tout au long des années trente, un débat fit rage au sein de la ligue internationale de l’Éducation nouvelle : était-elle un luxe dont pouvaient profiter les seuls nantis, ou bien pouvait-elle profiter à tous les enfants ? Les réformes scolaires de Jean Zay en France sous le Front populaire, puis le travail de Janus Korczak avec les enfants du ghetto de Varsovie, démontrèrent que les principes de l’éducation nouvelle pouvaient inspirer la pédagogie dans n’importe quelles conditions.

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