Actualité5 décembre 20100WikiLeaks

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Au-delà du débat sur la justesse morale ou la pertinence politique des fuites organisées par WikiLeaks et relayées par de grands journaux européens tels que Le Monde ou The Guardian, il faut reconnaître qu’elles apportent un éclairage intéressant sur les informations à la disposition de décideurs tels qu’Hillary Clinton, la Secrétaire d’Etat américaine.

Je suis pour ma part convaincu que WikiLeaks et l’idéologie de la totale transparence qui lui est sous-jacente sont dangereux. Les diplomates et les cabinets ministériels, comme les individus eux-mêmes, ont besoin d’un espace intime dans lequel ils peuvent sortir du cadre et penser librement. La crainte que tout puisse être mis un jour sur la place publique peut renforcer la langue de bois et décourager tout effort collectif pour comprendre la réalité comme elle est et non comme on aimerait qu’elle soit.

Il reste que les révélations de Wikileaks sur les courriers diplomatiques sont intéressantes. « Transhumances » a consacré le 31 octobre un article à la mort de l’ancien président argentin Nestór Kirchner, une personnalité complexe, difficile à caractériser. Dans Le Monde du 29 novembre, Paulo A. Paranagua se fait l’écho des interrogations d’Hillary Clinton.  Le portrait de Kirchner frappe par sa profondeur psychologique et sociologique. Je cite une partie de son article.

« En juin 2006, un mémo confidentiel obtenu par WikiLeaks et examiné par Le Monde s’attache à décrire le mode opératoire « unique » du dirigeant péroniste, le « style K ».

Souvent « erratique », il se caractérise par « la tension extrême sur le court terme ». « Employant à l’occasion une rhétorique de gauche, populiste, Kirchner a démontré dans la pratique que ses inclinations idéologiques étaient toujours moins importantes que les nécessités politiques locales « . Et de préciser : « cela ne veut pas dire que Kirchner n’a pas de sympathies pour la gauche, mais qu’elles sont complètement subordonnées à ses intérêts politiques et à ses ambitions personnelles ».

« La politique étrangère du gouvernement Kirchner est toujours subordonnée aux considérations politiques internes, ajoute le texte. Le président Kirchner n’est pas doué pour la diplomatie et ignore souvent les règles élémentaires du protocole. Pour prendre ses décisions, Kirchner compte sur un groupe de vieux conseillers de plus en plus réduit, la plupart d’entre eux sans expertise sur l’international, les affaires ou l’économie. »

Sur un terrain plus personnel, « le profil psychologique de Kirchner comprend le besoin de garder toujours le contrôle de la situation, la prise de décisions rapides et définitives, la lutte constante contre ceux qu’il perçoit comme des ennemis, et la tendance à répondre aux défis par la confrontation plutôt que par la négociation. »

A ce propos, le mémo cite une confidence du secrétaire légal et technique du chef de l’Etat, Carlos Zannini : « Le président et moi, nous nous levons chaque matin, regardons les journaux, et essayons d’imaginer comment survivre ce jour-là ». Des « changements rapides de tempérament » caractérisent le comportement présidentiel. « L’état de santé de Kirchner exacerbe et détermine peut-être ses émotions et sa psychologie. Le président Kirchner souffre d’irritation intestinale depuis des années. »

Selon des médecins américains, cela suscite souvent une personnalité « rigide, méthodique, consciencieuse, avec des tendances obsessionnelles compulsives ». « D’où le peu d’attention pour le protocole de cérémonies longues ou les horaires rigides, qui ne permettraient pas à Kirchner d’avoir un accès rapide aux toilettes. »

Un mémo de juillet 2006 créditait M. Kirchner de « succès majeurs » sur le plan politique et économique, mais considérait qu’il avait démesurément renforcé l’exécutif au détriment des deux autres pouvoirs. Il avait ainsi « affaibli le système argentin de contre-pouvoirs » et « affaibli des institutions démocratiques déjà fragiles ». »

Photo « transhumances » : l’intérieur du Dolomieu, le cratère du Volcan de La Fournaise. On peut « lire » sur cette paroi l’histoire éruptive du volcan.

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