L’éditeur brésilien Oficina Raquel a édité l’an dernier (uniquement en format numérique) le témoignage de quarante auteurs et autrices qui racontent leur confinement (« quarentena » en portugais), au printemps 2020.
Le livre commence par la fin, la fin du monde ou la fin d’un monde, le chapitre de l’histoire de l’humanité que clôt la pandémie. Il s’achève par le commencement, celui de l’après-Covid, celui d’un avenir tout à inventer.
Trois autres mots-clés structurent l’ouvrage : peur, solitude, amour.
La peur, « de la maladie, de la mort, des imbéciles. » « Je ne sais pas de quoi j’ai peur. Mais je sais que je manque d’air. Je crois que c’est la peur de la solitude. Ne pas croiser d’étrangers dans la rue et leur sourire ».
Il faut « penser aux personnes qui sont seules chez elles, sans personne à embrasser, avec qui rire ensemble, avec qui pleurer ». « Parfois, il me vient à l’esprit que l’épidémie est peut-être un processus de disparition. Une expérience lente et perverse de la solitude. »
« La ville où j’habite semble cassée, comme son pays. On nous contraint à une attente sans avenir. » « La vie est devenue une suite d’entre-guillemets. C’est la vie imitant la vie ».
Dans l’appartement devenu prison, « les fenêtres deviennent des livres de poésie, nous offrant en chaque moment de la matinée un sentiment de liberté. » Les fenêtres permettent de voir la vieille voisine du dessous partir faire ses courses, d’entendre des enfants se faire gronder pour leurs leçons, de recevoir les rayons du soleil.
Un auteur associe l’épidémie et l’extermination nazie. « Ceux qui meurent comme des mouches sont ceux qu’on laisse de côté, les vieux, les malades, les faibles. » Plusieurs témoins évoquent le racisme : ceux qui ont la peau noire (foncée, disait-on autrefois) sont plus vulnérables.
En ce printemps 2021, l’épidémie est devenue hors de contrôle au Brésil. On compte près de 340 000 morts, 4 000 par jour. Un épidémiologiste décrit le pays comme « une gigantesque usine à variants ». On en dénombre actuellement 92 en circulation.
La responsabilité incombe principalement à la pauvreté. Quand on n’a rien, on doit se débrouiller, on ne peut pas se confiner. Elle est aussi politique : le président Bolsonaro a longtemps nié la gravité de la pandémie et milité contre les mesures de confinement prises par les gouverneurs d’états.