Il arrive que les personnes visitées en prison restent une énigme. Catherine est de celles-là.
Catherine est détenue depuis trois mois en maison d’arrêt. Lors de notre première rencontre, elle m’a dit le motif de son incarcération. Ses deux petites filles avaient été placées dans une institution, abusivement selon elle. Pour attirer l’attention sur l’injustice qui leur était faite, son mari et elle ont pris la fuite à l’étranger avec les enfants. De retour en France, ils ont eu la surprise d’être appréhendés, placés en garde à vue et écroués.
Jamais, dit-elle, Catherine n’aurait pensé que leur action pût les conduire en prison. Les y voilà, son mari dans le quartier hommes, elle dans le quartier femmes.
C’est un petit bout de femme énergique. Elle s’exprime bien, parle beaucoup, le débit de ses paroles est rapide. Elle a des idées claires sur ce qu’elle veut faire après la prison : quitter la région, et même émigrer au Canada avec son mari et ses filles lorsque ses ennuis judiciaires seront derrière elle et qu’elle aura récupéré ses droits parentaux. Elle choisit son avocate, sait précisément ce qu’elle compte dire au juge.
Parfois, cependant, son regard se voile, elle essuie furtivement une larme. Elle parle de ses proches qui ne lui rendent pas visite parce que « ça fait tâche », qui se réjouissent de cette incarcération « qu’elle a bien méritée », qui ne se souviennent pas des services qu’elle leur a rendus, qui peut-être sont à l’origine du placement de ses enfants. Elle est partagée entre un puissant désir de vengeance et la volonté de ne plus rien avoir à faire avec eux. L’un et l’autre sentiments la rendent triste et percent sa carapace de femme de tête.
Et ce qu’on découvre sous la carapace est profondément fragile, comme fêlé. Catherine semble venir d’un milieu où la règle est le coup pour coup dans un combat permanent et sans règles. Chacun tente de sauver sa peau. Le respect des lois vient après la lutte pour la survie. Catherine traîne un casier judiciaire comme un boulet de plus en plus lourd à porter. Elle s’efforce d’avoir confiance en elle-même, elle tente de donner l’image d’une femme sûre de soi, mais que faire si les juges, les éducateurs et jusque sa propre famille exhalent la défiance ?
(Le prénom et les circonstances ont été changées)