Histoire du siècle à venir

Dans « Histoire du siècle à venir, où va le monde selon les cycles des civilisations ? » (Éditions Jean-Cyrille Godefroy, 2015), Philippe Fabry tente de prévoir l’avenir à partir de structures observées dans l’histoire passée.

L’auteur est ambitieux. Il croit avoir mis au jour des cycles historiques d’une durée d’environ 1 400 ans, au cours desquels des étapes se succèdent de manière nécessaire. Certes, la contingence existe en histoire : des personnages extraordinaires peuvent infléchir son cours, l’accélérer ou la retarder, mais une civilisation embarquée dans l’un de ces cycles passera nécessairement, selon Fabry, par chacune des étapes.

À partir de ce schéma de pensée, il deviendrait possible de définir à quelle étape du cycle se trouve une civilisation d’aujourd’hui pour prédire à coup sûr ce qu’elle deviendra dans le futur. Ainsi, l’avenir de l’empire américain serait nécessairement homothétique avec celui de l’empire romain ; et l’extrémisme islamiste rencontrerait le même sort que le millénarisme juif du premier siècle de notre ère, c’est-à-dire l’écrasement. L’auteur est si sûr de sa grille d’analyse qu’il n’hésite pas à prédire l’avenir de l’humanité dans les deux mille prochaines années.

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Déclin de l’empire romain. Tête de Méduse sur un site archéologique en Libye. Photo tiré de The Guardian

Une démarche sans fondement scientifique

Notre soif de prédictions est si intense en ces temps d’incertitude qu’on serait porté à donner crédit à l’historien de sa scientificité. Malheureusement, la mise en œuvre d’une véritable méthode scientifique supposerait l’observation statistique de millions de sociétés et microsociétés permettant de définir des phénomènes explicatifs de la vie et de la mort de communautés humaines. Or Philippe Fabry ne propose que quatre cycles : le cycle A (Europe / Grèce), le cycle B (Rome / États-Unis d’Amérique), le cycle C (judaïsme antique / civilisation musulmane actuelle), le cycle D (Assyrie et Perse / Empires seldjoukide et ottoman).

Il est difficile de croire que le choix de ces cycles résulte d’autre chose que d’un choix subjectif. L’auteur, d’ailleurs, en convient : « nous n’avons, dans cet essai, avancé que des éléments très intuitifs, littéraires de ce que pourrait être une science statistique du comportement des masses humaines et de la course de l’Histoire. Faute de compétence dans les domaines mathématique et statistique, nous sommes bien incapables de proposer le commencement d’une méthode pour établir les probabilités de réalisation d’un événement, ou même la mesure des forces qui travaillent la société. »

« L’historionomie » proposée par Philippe Fabry, c’est-à-dire une histoire structurée par des règles rigides permettant, quand on les applique à l’avenir, de formuler des prédictions crédibles, n’est donc pas fondée.

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Histoire en marche : guerre entre Russie et Occident en Ukraine. Photo tirée de The Guardian.

Judaïsme antique et islam contemporain

C’est l’analyse de certains faits historiques ou actuels que j’ai trouvée digne d’intérêt dans ce livre. Selon l’auteur, la religion juive était, dans l’Antiquité, prosélyte. « Le mosaïsme avait une prétention hégémonique, et nombreux étaient les Juifs qui pensaient qu’il devait devenir l’unique religion de tous les hommes. » La perception du judaïsme aujourd’hui est tout autre : il est vécu comme la religion d’un peuple élu, qui tend à se conformer à des règles et à des interdits pour se préserver des persécutions et du métissage.

Philippe Fabry établit un parallèle entre le judaïsme antique et l’islam contemporain. L’islam se revendique de Moïse, comme le judaïsme. Nombreux sont les musulmans aujourd’hui qui considèrent que leur religion est appelée à devenir l’unique religion de tous les hommes. C’est au christianisme que Fabry, quant à lui, attribue la capacité d’intégrer toutes les autres religions au terme d’un processus historique passant par la défaite militaire et politique de l’islam radical.

Les passages du livre consacrés aux relations entre les États-Unis et l’Europe sont stimulants. L’antiaméricanisme (comme du reste le sentiment antieuropéen) grandit en Europe. Certains partis, comme le Front National français sont financés par des banques russes. Pour résister à la mondialisation, des dirigeants politiques se rapprochent de Poutine. Jusqu’où cette dérive peut-elle mener ?

L’ambition de Philippe Fabry était de nous parler de l’avenir. Il est stimulant quand il nous parle du présent à la lumière du passé.

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Philippe Fabry

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