Le Client

« Le Client », film d’Asghar Farhadi, met en scène un couple aux prises avec l’humiliation et le désir de vengeance dans l’Iran d’aujourd’hui.

Emad (Shahab Hosseini) est professeur de lettres dans un lycée de garçons pendant la journée. Le soir, il retrouve son épouse Rana (Taraneh Alidoosti) sur les planches d’un théâtre. Ils jouent Willy et sa femme dans la pièce d’Arthur Miller « mort d’un commis voyageur, créée à New-York en 1949.

Farhadi établit un parallèle entre la New-York d’alors et le Téhéran d’aujourd’hui : « une ville qui change de visage à une allure délirante, qui détruit tout ce qui est ancien, les vergers et les jardins, pour le remplacer par des tours (…). Téhéran change de façon frénétique, anarchique, irrationnelle. » La construction d’une tour nouvelle provoque des fissures dans l’immeuble qu’habitent Emad et Rana. Il faut l’évacuer d’urgence.

Salesman
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Par chance, ils trouvent bien vite à se reloger dans un appartement que met à leur disposition un comédien de ta troupe. La chance se transforme en cauchemar. L’appartement était précédemment occupé par une prostituée. Un client de celle-ci, ne connaissant pas le changement de locataire, s’introduit dans l’appartement, alors que Rana prend sa douche.

Le spectateur ignore ce qui s’est alors passé. Toujours est-il que Rana est blessée et traumatisée. Le client s’enfuit en laissant derrière lui son téléphone portable et sa camionnette.

Rana aimerait oublier et se reconstruire. Emad est résolu à venger l’affront subi par sa femme et, par ricochet, par lui-même. Il retrouve le client, un vieil homme (Farid Sajjadhosseini), qu’il parvient à piéger dans son appartement abandonné et vide.

Salesman
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Rana veut pardonner. Emad veut humilier celui qui, en agressant sa femme, l’a humilié. Une crevasse s’élargit entre eux, comme sur les murs de leur ancien immeuble. Dans la pièce qu’ils jouent ensemble, la femme de Willy se désole de la mort de son mari. Mais n’est-ce pas le couple des comédiens qui est en train de mourir ?

« Le Client » a connu un grand succès en Iran. Les spectateurs iraniens n’auront pas manqué de s’intéresser à la critique d’une société où l’homme se croit investi de la mission de venger l’outrage subi par sa femme, même lorsque celle-ci refuse la vengeance. Ils auront certainement aussi remarqué l’allusion aux trois retouches demandées par la censure au texte d’Arthur Miller.

Pour le spectateur français, c’est au contraire la modernité et la vitalité de la société iranienne d’aujourd’hui qui se déprennent du film. Emad et Rana, peut-être parce qu’ils appartiennent à l’élite intellectuelle et artistique de Téhéran, ne sont pas différents de professeurs et d’artistes européens. C’est comme si la trace imposée par les ayatollahs à la société ne l’avait pas pénétrée en profondeur.

« Le Client » a obtenu à Cannes le prix du meilleur scénario, et Shahab Hosseini le prix d’interprétation masculine. Ces deux prix sont mérités.

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