Le mystère Jérôme Bosch

« Le mystère Jérôme Bosch », réalisé par José-Luís López-Linares, offre au spectateur une plongée vertigineuse dans « le jardin des délices » peint par Jérôme Bosch entre 1490 et 1510.

« Le jardin des délices » est un triptyque conservé au Musée du Prado à Madrid. Le réalisateur filme des visiteurs de tous pays, et observe que chacun regarde le tableau avec sa propre culture. Celle de Bosch était prémoderne, et il serait hasardeux d’interpréter son œuvre sans la mettre en référence avec les croyances et les canons esthétiques de l’époque.

Le film de López-Linares est fascinant en ce qu’il croise les regards. Il interroge des personnalités d’aujourd’hui, impliqués dans des disciplines aussi différentes que la musique (William Christie), la littérature (Salman Rushdie, Orhan Pamuk), la philosophie (Michel Onfray), la peinture (Miquel Barceló) ou encore la bande dessinée ou les neurosciences. Il met l’œuvre de Bosch en relation avec des phénomènes contemporains : le rapprochement des corps nus assemblés au centre du triptyque et la manifestation hippie de Woodstock est particulièrement frappante.

En parallèle, le réalisateur établit la connexion entre l’esthétique du « jardin des délices » et les enluminures contemporaines. Bosch est allé plus loin que ses contemporains, mais beaucoup des symboles qu’il manipule sont empruntés à des artistes de son époque, même s’il va plus loin, plus profond et avec plus d’audace.

Le titre « jardin des délices » est malvenu. Même si les humains sur le panneau central se livrent à toutes sortes de plaisirs, licites et illicites, ils ne semblent pas vraiment heureux. Le panneau central pourrait aussi bien mettre en scène la vie d’aujourd’hui, avec toutes sortes de bêtes étranges interférant avec la recherche débridée du bonheur ici-bas. Il semble que le titre initial ait visé la variété des comportements humains.

Ce qui donne le sens au triptyque, ce sont les deux panneaux latéraux. À gauche, Dieu sous la forme d’un homme regarde le spectateur, pendant qu’il prend Ève par la main, comme pour l’épouser. À droite, le diable sous forme d’un animal monstrueux regarde lui aussi le spectateur dans les yeux, alors que ses sbires se livrent à une débauche de torture sur les malheureux promis à l’enfer.

On sort du film « le mystère Jérôme Bosch » étourdi par la multitude des détails du tableau qu’il révèle et émerveillé par l’intelligence de la vie que démontre son auteur.

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