Arte TV a récemment diffusé « my sweet pepper land » (mon doux pays pimenté), film de de Hiner Saleem (2014).
Dans le Kurdistan irakien devenu quasiment indépendant après la chute de Saddam Hussein deux ans auparavant (en 2003), deux « purs » se trouvent en poste dans un village de montagne, proche de la frontière avec la Turquie.
Govend (Golshiffeh Faharani) est institutrice. Malgré les réticences de sa famille, et la farouche opposition de son frère aîné, elle a choisi ce lieu désolé pour exercer son métier, là où les enfants en ont le plus besoin.
Baran (Korkmaz Arslan) est policier. Il a été combattant de la rébellion kurde contre Saddam. Il a pensé se retirer dans la vie civile, mais l’insistance de sa mère à lui présenter des prétendantes inépousables l’a fait se réengager. Il a demandé à aller là où on aurait le plus besoin de lui.
Le village est sous la coupe d’un parrain, Aziz Aga (Tarik Akreyî), moitié collaborateur pendant la rébellion, moitié trafiquant aujourd’hui. Il accepterait de laisser Baran se pavaner comme « commandant » et toucher son salaire si celui-ci se contentait de faire de la figuration. Quant à laisser instruire les garçons, et surtout les filles, il n’en est pas question.
Pour Aziz Aga et sa bande, les choses semblent bien engagées : Govend, trouvant la porte de l’école barricadée, a dû se réfugier au poste de police pour la nuit. La voilà accusée de se prostituer avec le commandant ; voici celui-ci suspecté d’immoralité. Mais l’institutrice et le policier sont inflexibles dans leurs convictions. Ils engagent une lutte à mort, sans compromis.
« My sweet pepper land » se réfère explicitement au genre du western, plus particulièrement celui de Sergio Leone. « Je crois, dit le metteur en scène, que le Kurdistan d’aujourd’hui ressemble à l’Amérique de l’époque du western : on y découvrait le pétrole, on y construisait des routes, des écoles et des infrastructures, et on tentait d’y faire appliquer la loi. »
C’est un film épique dans lequel s’opposent des méchants (très méchants) et des gentils (très gentils). Il comporte aussi une bonne dose de dérision et d’humour noir, comme cette première scène dans lequel le Kurdistan indépendant applique la peine de mort, instrument incontournable de la nouvelle démocratie, mais oublie simplement d’accrocher une corde au panneau de basket-ball qui sert de potence.
Govend est passionnée de musique. Dans ses moments de déprime, elle s’isole pour jouer du hang, un instrument à percussion. Lorsqu’elle demande à Baran s’il aime, lui aussi, la musique, celui-ci lui chante une chanson d’amour. C’est très beau.
Le film est tourné en décors naturels, avec des paysages de montagne magnifiquement rendus par une photographie remarquable. Golshiffeh Faharani rayonne d’une beauté atypique. Tout ceci fait de « my sweet pepper land » un excellent film.
Bien qu’il soit tourné au Kurdistan, en langue kurde, avec des acteurs originaires du Proche-Orient, c’est un film français, produit par des Français (en particulier Robert Guédiguian), qui porte sur les réalités de cette région un regard d’occidental. En un sens, c’est une limite du film : le caïd local est présenté comme corrompu, machiste et rétrograde. Mais il faut y voir aussi une manifestation vivante de l’universalisme qui caractérise notre culture nationale. Nous aimons, d’un élan généreux, aller voir avec un préjugé positif, ce qui se passe ailleurs. C’est ce qui rend attachant ce film pimenté.