« Paris la Blanche », premier long-métrage de Lidia Leber Terki, évoque les relations compliquées de la France et l’Algérie par l’histoire d’un couple séparé par la Méditerranée.
Rekia (Tassadit Mandi) a élevé seule ses trois enfants dans son village de Kabylie. Nour, son mari (Zahir Bouzerar), était parti tout jeune travailler sur les chantiers en France. Depuis 48 ans qu’il est de l’autre côté de la Méditerranée, il envoie chaque mois de l’argent pour entretenir sa famille. Mais depuis deux ans qu’il est à la retraite, il ne donne plus de nouvelles.
Rekia se lance à sa recherche, malgré l’opposition de ses enfants qui jugent insensé son projet de retrouver un père qui a peut-être refait sa vie. Elle prend le ferry pour Marseille, le train pour Paris, le métro pour Barbès. Elle loge à l’hôtel où Nour a séjourné. Elle a le sentiment d’emprunter l’itinéraire qu’il a suivi il y a un demi-siècle, et ainsi de renouer le contact avec une partie amputée de sa vie.
Il n’y a plus trace de Nour à Barbès. Rekia est désespérée. Elle est sauvée par Tara (Karole Rocher), une jeune femme dont le compagnon héberge des migrants clandestins. Tara l’accompagne dans sa recherche. L’administration française est bien faite : Nour est nécessairement fiché quelque part. On trouve son adresse, un foyer Sonacotra de la banlieue de Paris.
Rekia et Nour passent une journée inoubliable à Paris, Paris la blanche, l’autre versant d’Alger. Nour n’a jamais vu la Tour Eiffel. C’est un émerveillement partagé. Mais de retour au foyer pour la nuit, les époux se croisent sans se rencontrer vraiment dans la chambre minuscule. Tant d’années les séparent. Tant de culpabilité de Nour de n’avoir pas éduqué ses enfants. Tant de tristesse de ne pas les avoir vus grandir. Tant de peur de se trouver étranger dans son propre pays.
Le film de Lidia Leber Terki peut être considéré comme une parabole des relations entre la France et l’Algérie. La France a fait venir par centaines de milliers des travailleurs algériens. La guerre a opéré un clivage. Nour et Rekia parlent entre eux français et kabyle, mais une mer les sépare. Sur le ferry qui, lentement, va d’une rive à l’autre de la Méditerranée, Nour rencontre une femme pied-noir qui, chaque année, fait le voyage pour revoir le pays de son enfance. Chaque année, elle rembarque sans avoir foulé le sol algérien. L’appréhension est trop forte.
« Paris la blanche » est un beau film, lent, méditatif, et aussi mélodieux grâce à la musique de Chloé Thévenin.