Dans « Rapport minoritaire », nouvelle de 1954, Philip K. Dick prophétisait l’institution de la détention de personnes, non en raison de crimes qu’ils auraient commis, mais de crimes qu’ils pourraient commettre.
Depuis trente ans, Anderton est à la tête de la « structure prophylactique pré-crime », un service de la police qui a pour objectif de détecter des individus qui, même sans le savoir, sont sur le point de commettre un crime et de les appréhender avant qu’ils passent à l’acte.
« Nous nous emparons d’individus qui n’ont enfreint aucune loi. Mais ils le feront sûrement. Et heureusement, ils ne le feront pas parce que nous les appréhenderons d’abord, avant qu’ils puissent commettre un acte de violence. De cette manière, l’accomplissement d’un crime lui-même est purement théorique. Nous affirmons qu’ils sont coupables. Eux, de leur côté, affirment éternellement qu’ils sont innocents. Et, en un sens, ils sont innocents. »
Les avantages du système sont évidents. Il permet d’abolir le système punitif post-crime de la prison et de l’amende. « Comme nous le savons, le châtiment ne pourra jamais être vraiment dissuasif, et il est rare qu’il apporte une consolation à une victime déjà morte. »
Le risque, c’est évidemment celui de l’erreur judiciaire, de détenir abusivement des personnes qui, laissées en liberté, n’auraient pas commis de crime.
Le système repose sur le travail de trois mutants, Donna, Jerry et Mike appelés « précogs » à cause de leur extraordinaire talent pré-cognitif. De même que les fusées permettent de s’affranchir des limites de notre terre, les élucubrations des précogs, enregistrées et traitées par des machines électroniques, affranchissent la police de la barrière du temps. Elles permettent de prédire l’avenir avec une quasi-certitude. Trois rapports sont établis : si deux rapports concordent, le troisième, minoritaire, est écarté.
Détenir des personnes non en raison de ce qu’ils ont fait mais de ce qu’ils pourraient faire est, pour Philip Dick, un objet de science-fiction. Ce dont il a rêvé, les politiciens français au pouvoir de 2007 à 2012 l’ont fait. Ils ont créé la rétention de sûreté, qui consiste à placer un criminel, considéré comme particulièrement dangereux, dans un centre de sûreté après sa peine de prison. La personne n’est pas libre. Une prise en charge médicale, sociale et psychologique lui est proposée de façon permanente.
Cette disposition n’a pas été abrogée pendant le dernier quinquennat. Elle ouvre la porte à des débordements. Qui peut décider, en toute rigueur, de la dangerosité d’un individu ? La psychiatrie a-t-elle atteint un tel degré de précision scientifique ? Faudra-t-il, dans l’esprit des précogs de Philip Dick, recruter des voyants et les coupler à des machines d’intelligence artificielle ?