Le congrès de l’Association Nationale des Visiteurs de Prison s’est tenu à Vichy du 19 au 21 mai. Dans un contexte général de montée de l’intolérance et de l’exclusion, ce creuset d’humanisme fait du bien.
133 visiteurs de prison venus de toutes les régions de France ont participé à ce congrès qui comportait trois temps forts : l’assemblée générale annuelle, qui permet de faire le point de ce qui a été accompli et de se projeter dans les mois à venir ; une journée de débats sur le thème « partenaires, ensemble pour mieux faire » ; une visite le dimanche matin des sites occupés par l’État Français de 1940 à 1944.
On sort étourdi de ces journées, tant est épaisse la masse d’informations à assimiler, tant sont riches les rencontres lors des pauses et des repas.
L’environnement est hostile. Tout un village se mobilise contre l’implantation d’un centre pénitentiaire : les prix de nos terrains vont baisser, nos enfants ne seront plus en sécurité dans les transports scolaires… Pourquoi s’occuper de la racaille ? Ils n’ont que ce qu’ils méritent. Il faudrait les enfermer le plus longtemps possible, à perpétuité réelle si possible…
L’ANVP au contraire considère la prison comme un dernier recours et prépare le retour dans la société des personnes qui en sont temporairement exclues.
Au fil des conversations, les personnes que nous visitons, en prison et depuis peu aussi en milieu ouvert, prennent visage humain. Michel accompagne Rachid, 57 ans dont 37 ans de détention. Il a recréé sa cellule carcérale dans son appartement. Il ne sort pas de chez lui, ne se fait pas à manger et vit volets fermés. Il « sur vit » de café et de cigarettes, de pain de mie et de vache qui rit. Il n’a plus de dents et n’a plus de lunettes.
La réalité est accablante. Mais dans ce creuset humaniste qu’est l’association, les visiteurs ne baissent pas les bras. Bernard raconte comment, visitant un détenu lituanien qui ne connaissait du français que les mots « surveillant » et « gamelle », ils ont communiqué par gestes, comment il a cherché sur Google la traduction en lituanien de mots usuels, et enfin comment il a obtenu d’expérimenter une tablette numérique de traduction dans l’établissement pénitentiaire qu’il visite.
Claire parle du jardin qu’elle anime avec d’autres dans un centre de détention. Elle dit que l’on constate une forte baisse de consommation d’anxiolytiques chez les détenus qui peuvent pratiquer le jardinage. Marc évoque le chemin de Compostelle qu’ont parcouru des détenus, un surveillant et des bénévoles entre Le Puy et Conques. Salomée raconte l’atelier de soins du visage au quartier femmes de la maison d’arrêt de Domenjod à La Réunion. Jean-Luc parle de la diffusion de la lecture en milieu carcéral par l’association « Lire pour en sortir ». Jean-Marie décrit la sortie de détenus dans un élevage bovin et leur soif de savoir. Les initiatives sont innombrables, et partagées avec un enthousiasme communicatif.
Après tant de mots échangés et d’expériences partagées, la visite de Vichy sous un soleil radieux offrait une oasis de tranquillité. Devant l’ancien hôtel du Parc, résidence et bureau du Maréchal Pétain, le guide nous expliqua que le statut des Juifs y fut édicté le 3 octobre 1940 et la loi sur les ressortissants étrangers de race juive le lendemain. Près de quatre-vingts ans plus tard, discrimination et intolérance s’expriment de manière décomplexée. Le congrès de l’ANVP a montré qu’un autre chemin est possible.