Le film « Barbara » de Mathieu Amalric avec Jeanne Balibar dans le rôle principal suscite des réactions contrastées. Je suis de ceux qui l’ont aimé.
Ce film n’est pas un biopic. Il ne raconte pas la vie de Monique Andrée Serf, devenue sur scène Barbara après des années de galère. On cherchera vainement des repères chronologiques. Le metteur en scène est à la recherche de l’âme de Barbara, pas de son histoire. Il nous oblige à lâcher prise dans un tourbillon d’images et de sons.
Mathieu Amalric ne facilite pas la tâche aux spectateurs. Il est metteur en scène d’un film dont il joue de rôle d’Yves Zand, le metteur en scène. Ce film a pour sujet la chanteuse Barbara. Plus exactement, il a pour sujet la manière dont « Brigitte » (Jeanne Balibar) se laisse peu à peu envahir par le personnage de Barbara, dont elle s’entraîne à copier la voix et jusqu’au moindre geste.
On ne sait jamais si c’est de Barbara que l’on parle, ou si c’est de Brigitte se muant en Barbara. Une scène se passe dans un chaleureux appartement parisien. Une fois le signal « coupez ! » donné, les techniciens s’empressent de démonter les décors, et l’on se trouve soudain dans un hangar nu.
Pour rendre les choses plus compliquées encore, Yves Zand est fasciné par le personnage de son actrice Brigitte. Lorsque celle-ci chante « je n’ai jamais su dire je t’aime », on sent bien que c’est de la relation Brigitte-Yves qu’il s’agit, et donc de Jeanne-Mathieu, qui furent mari et femme dans la vie.
Si on accepte de se laisser rouler bouler comme dans un rêve à moitié éveillé, le film de Mathieu Amalric fonctionne comme un moment d’envoûtement poétique. Certaines scènes sont magnifiques : Barbara débarquant dans un restaurant routier et se mettant au piano à l’étonnement des chauffeurs au bar ; Barbara tricotant dans la voiture qui l’emmène sur une scène de province, et tenant des propos déjantés ; Barbara racontant à un brave homme de l’Indre comment sa famille s’est cachée là de la persécution anti-juive pendant la seconde guerre mondiale.
J’ai appris par ce film que Barbara avait donné des concerts au Quartier femmes de la prison de Fresnes. Bravo l’artiste !