Dans « Garde à vue » (éditions Atalante, 2017, 157 pages), Marilyne Videau décrit son expérience d’avocate en garde à vue en Gironde et à Agen.
Marilyne Videau a exercé le métier d’avocate à Bordeaux de 2004 à 2013. Son livre sur la garde à vue est bref mais intéressant parce qu’il mêle différents éclairages : le lecteur y trouvera des informations sur la règlementation ; des récits de gardes à vue auxquelles, avocate commise d’office, elle était présente ; des réflexions sur la déontologie de l’avocat, notamment lorsqu’il s’agit de conseiller au gardé à vue de parler ou de se taire ; et aussi une prise de position politique, particulièrement concernant le traitement des noirs et des maghrébins par la police.
Environ 800 000 personnes sont gardées à vue chaque année dans les locaux de la police, indique Marilyne Videau. C’est donc un nombre considérable. L’auteure explique que tous les citoyens peuvent, un jour ou l’autre, y passer, par exemple s’ils provoquent un accident de voiture après une soirée bien arrosée. Mais elle indique aussi que la majorité des gardés à vue sont issus des quartiers populaires à forte densité immigrée : « ce jeune a un casier impressionnant et des condamnations nombreuses depuis son plus jeune âge ; je pense que lorsque quelques fées se penchèrent sur son berceau, il n’avait déjà d’autre issue que de passer par la prison. Une galère. »
« Certains vont jusqu’à hurler comme dans un asile. Hurlent-ils parce qu’ils sont victimes de leur vie ? Hurlent-ils simplement parce que la cellule empeste l’Enfer, et qu’ils veulent pouvoir respirer ? Hurlent-ils leur incompréhension de la société qui les punit et qu’ils ne parviennent pas à trouver leur place dans la légalité de caste ? Hurlent-ils qu’ils ont la place du rebut dans le système ? »
Les gardés à vue peuvent demander l’assistance d’un avocat depuis 1993. Pour Marilyne Videau, la première impression qui saisit l’avocat à la gorge est la puanteur. « Une odeur forte s’installe dans l’espace. Une odeur forte mêlant la geôle et l’humain. Une odeur où l’on respire un peu la même stagnation que celle que l’on retrouve en Maison d’Arrêt, où il y a en plus, en arrière-fond olfactif, l’odeur de la bectance qui mijote dans les cuisines. Comme une odeur souche, qui se transporte de geôle en geôle, jusqu’à la cellule de détention. »
L’auteure raconte qu’un jour, elle avait conseillé à un homme gardé à vue après avoir tué ses enfants dans des conditions atroces, de parler en son âme et conscience. Faute professionnelle ? Il se trouve que bien souvent les juges condamnent plus sévèrement ceux qui ont avoué que ceux qui nient le crime, même au mépris de l’évidence. Pourtant, « généralement, les victimes de mœurs, à la sortie des audiences d’assises, sont effondrées d’entendre le silence de l’agresseur ou ses paroles mensongères, parce qu’il semble être resté dans le déni et la négation des crimes qu’il a commis. Cela semble même être l’objectif principal des victimes que d’entendre la vérité sortir des mots de leurs agresseurs, pour tenter de comprendre les soubassements, s’ils sont identifiables et audibles, des actes commis. » On retrouve ici les fondements de la Justice restaurative.
« Garde à vue » est un livre informatif, vibrant d’émotion et bien écrit. Recommandable.
Une réflexion sur « Garde à vue »