« 12 jours », documentaire de Raymond Depardon, fait assister le spectateur au face à face entre le juge des libertés et de la détention et des personnes hospitalisées sous contrainte.
Une loi de 2013 a rendu obligatoire l’intervention du juge des libertés et de la détention dans les 12 jours suivant l’hospitalisation sous contrainte de personnes atteintes de troubles psychologiques graves, puis pendant la durée de leur enfermement.
Le périmètre du contrôleur général des lieux de privation de liberté dépasse largement, depuis son institution en 2007, la seule prison. Il inclut les lieux de garde à vue, les centres de rétention administrative de sans-papiers et les hôpitaux psychiatriques. La loi de 2013 sanctionne le point commun entre ces diverses institutions : ces hommes et femmes y sont enfermés contre leur gré ; il convient de s’assurer que leurs droits soient respectés.
Le film montre dix comparutions de personnes hospitalisées sous contrainte face à un Juge des libertés et de la détention. Le juge se borne à vérifier si l’hôpital psychiatrique a respecté la procédure. Généralement, il ne s’oppose pas à l’avis des médecins de prolonger l’hospitalisation forcée. Dans un seul des dix cas présentés, il met son jugement en délibéré, jugeant la position des médecins peu argumentée. C’est donc sur la forme qu’il se prononce. À une femme qui demande à sortir de l’hôpital, la juge indique « la loi ne me demande pas de décider si vous pouvez vous suicider ou non. »
Ces personnes ont en commun d’être reconnues comme dangereuses. Certaines le sont pour elles-mêmes, car elles veulent en finir avec la vie. D’autres représentent une menace pour autrui : certains sont passés par la case prison avant d’être reconnus par la Justice irresponsables des crimes qu’ils ont commis.
Suicidaires ou hétéro-agressifs (agressifs envers eux-mêmes ou envers d’autres), les patients contraints de l’hôpital du Vinatier à Lyon ont une chose en commun : une immense détresse, une souffrance palpable dans leur attitude corporelle comme dans leur élocution. Raymond Depardon coupe les scènes de confrontation judiciaire par de lentes déambulations dans les couloirs sans couleurs de l’hôpital, avec le son sourd de la climatisation. Un sentiment d’effrayante solitude se déprend de ses images.
Pour le visiteur de prison que je suis, ce documentaire revêt un grand intérêt. Entre la prison et l’hôpital psychiatrique, il n’y a pas de mur, pourrait-on oser. Un pourcentage significatif de détenus dans les établissements pénitentiaires présente des troubles psychiatriques, et beaucoup vivent sous sédatifs. Ces dernières années, on a ouvert, aux côtés des UMD (Unités pour malades difficiles) des UHSA (Unités hospitalières spécialement aménagées) dont la partie « sécurité » est gérée par du personnel pénitentiaire.
Une question difficile, qui se pose aussi en prison, est celle du suicide. Tout est mis en œuvre pour identifier les personnes susceptibles de passer à l’acte. Il s’agit ensuite de les maîtriser, par la force s’ils se montrent agités. Une malade du Vinatier dit : « lorsqu’on m’a mis en contention, ils étaient 12 autour de moi, c’était violent ! » Empêcher une personne d’attenter à sa vie, c’est préserver la probabilité qu’elle a de connaître dans sa vie des moments de bonheur. Mais c’est aussi la frustrer du droit de mettre fin à une existence qu’elle juge indigne d’être vécue. Cette problématique là aussi se rencontre en prison comme en hôpital psychiatrique.