Le musée Quai Branly – Jacques Chirac propose jusqu’au 1er avril 2018 une belle exposition intitulée « le Pérou avant les Incas ».
Au nord du Pérou, une bande côtière aride a vu fleurir des civilisations avancées pendant des millénaires, bien avant l’empire Inca. Deux atouts ont permis leur essor : la richesse en poisson de l’océan traversé en cet endroit de courants froids ; des cours d’eau dévalant les pentes des Andes, à partir desquels furent construits d’ingénieux systèmes d’irrigation.
Ces civilisations ont pour nom Mochica ou Moche (du premier au huitième siècle de notre ère), Lambayèque (700 – 1300) et Chimú (1000 – 1400). Elles ne connaissaient ni l’écriture, ni la roue, ni la monnaie. Elles atteignaient pourtant un degré de sophistication technique et architecturale et une qualité artistique exceptionnels.
Ce qui frappe, tout d’abord, c’est la beauté des objets exposés, fruits d’une trentaine d’années de campagnes archéologiques : céramiques, bijoux, bas-reliefs…
Le visiteur est ensuite saisi par la mystique qui anime ces objets. Les humains sont inclus dans le mouvement des êtres vivants, ils ne s’en distinguent pas. Ils appartiennent à un monde de félins, de cervidés, d’araignées, de hiboux. Félins et araignées sont des prédateurs. Les humains aussi. Des statuettes représentent des vaincus nus, tenant à la main le gobelet dont ils vont boire la substance hallucinogène avant d’être égorgés. Leur sang sera ensuite répandu pour rendre fertile le désert.
L’exposition s’ouvre par un tableau chronologique des civilisations d’Amérique du sud, d’Europe, d’Asie et d’Afrique. Le développement en parallèle, sans contact pendant des millénaires, de systèmes sociaux complexes capables de générer des sommets artistiques est le plus précieux enseignement de cette exposition.
Ajoutons que la visite du musée est un enchantement. On accède aux collections par une rampe dont le sol sert d’écran à la projection d’une rivière de mots due à l’artiste Charles Sandison. Le parcours de l’Océanie à l’Afrique, puis à l’Asie et à l’Amérique dégage une incroyable poésie.