Les deux faces de la bataille d’Iwo Jima

Arte TV a récemment diffusé, en deux soirées successives, les films que Clint Eastwood a consacrés en 2006 à la bataille d’Iwo Jima : « Mémoires de nos pères » (côté américain) et « Lettres d’Iwo Jima » (côté japonais).

L’île d’Iwo Jima est un îlot inhabité de 21km² situé à un millier de kilomètres au sud de Tokyo. Elle fut le théâtre d’une bataille acharnée di 1er février au 26 mars 1945. Pour les Américains, l’île allait constituer une base pour les bombardiers à l’assaut de l’archipel japonais. Pour les Japonais, c’était le premier territoire de la mère patrie à défendre contre l’occupation par l’ennemi.

La bataille fut sanglante : 20 703 tués et 1 152 disparus du côté japonais, soit la quasi-totalité de la garnison ; 6 821 tués, 492 disparus et 19 189 blessés du côté américain.

L’intérêt des films de Clint Eastwood est qu’ils montrent les deux faces de la bataille.

« Mémoires de nos pères » raconte le débarquement sur une plage d’Iwo Jima de milliers de soldats, cibles de tirs meurtriers des défenses japonaises camouflées sur le mont Surabachi, un volcan éteint de 169m. d’altitude et dans l’arrière-pays. Le mont Surabachi fut arraché aux Japonais en quatre jours, au terme d’une bataille acharnée. Deux drapeaux furent successivement plantés. Le photographe Joe Rosenthal photographia le second groupe de soldats.

À Washington, on comprit vite le profit que l’on pouvait tirer de cette photo. Elle parlerait au cœur des Américains ; ils souscriraient des bons pour soutenir l’effort de guerre. Voici donc que trois des « héros » photographiés par Rosenthal sont embarqués dans une tournée épuisante, livrés à l’enthousiasme des foules, élevés au rang d’idoles nationales. Mais John, le marine infirmier, Ira, le fantassin d’origine amérindienne et Rene, un brave garçon sans relief, doivent endosser des habits trop grands pour eux. Ils n’ont pas planté le premier drapeau. Ils se sont trouvés là par hasard. Ceux qui auraient dû être honorés ne sont pas là : ils sont morts au combat.

Si « Mémoires de nos pères » se focalise sur les premiers jours de combat puis sur la bataille de la propagande, « Lettres d’Iwo Jima » couvre une période bien plus longue : de l’arrivée du général Tadamichi Kuribayachi, chargé de la défense de l’île en 1944, à l’anéantissement de la garnison après 35 jours de combats.

Lorsque Kuribayachi arrive sur l’île, il compte sur la marine impériale et les bombardiers postés sur place pour appuyer la défense. On lui apprend que la flotte a été détruite lors de la bataille des Mariannes ; par ailleurs, ordre est donné aux bombardiers de se replier sur l’archipel. Il faudra donc se battre dos au mur, avec comme seule consigne de ne pas se rendre et de tuer au moins dix ennemis avant de se donner la mort. Les Américains ne feront que 216 prisonniers, dont seulement 22 s’étaient rendus de leur propre initiative.

Dans le film de Clint Eastwood, Kuribayashi apparaît comme un stratège remarquable, faisant construire un réseau de galeries souterraines au lieu des tranchées sur la plage qui se seraient révélées inefficaces. Il apparait aussi comme un chef profondément humain, prenant sous sa protection un jeune boulanger devenu soldat, Saigo.

Kuribayashi connait les Américains pour avoir vécu aux États-Unis. Il se heurte à l’hostilité, et même à la désobéissance, d’officiers formés exclusivement au moule de l’armée nippone. Il disparait dans une dernière attaque désespérée, et demande à Saigo d’enterrer son corps. Malgré des recherches, il demeure aujourd’hui introuvable. En revanche, les dizaines de lettres écrites à leurs familles par des soldats promis à la mort, elles aussi enterrées par Saigo, constituent la base du scénario de ce film.

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