Intra-muros, pièce d’Alexis Michalik, a pour scène la salle de spectacles d’une prison.
Au premier degré, la pièce raconte un événement qui se répète fréquemment en prison, dans ce cas la maison centrale de Nevers, qui enferme des condamnés à de longues peines. Un metteur en scène, Richard (Paul Jeanson) obtient un contrat dans le cadre de la programmation culturelle de l’établissement. Il s’agit de réaliser une pièce dont des détenus seront les acteurs.
La suite n’est pas non plus anormale : Alice (Alice de Lencquesaing), l’assistante sociale de la prison, n’a pu attirer que deux détenus. L’un, Kevin (Fayçal Safi) est un grand gaillard exubérant. Il raconte volontiers son enfance malheureuse, l’enchaînement des tromperies et des violences qui l’ont comme fatalement entraîné en taule.
L’autre, Ange (Bernard Bancan) est un taiseux d’une cinquantaine d’années. Il a pris Kevin sous sa protection et s’efforce de le canaliser, comme un père devrait le faire avec son fils. Ange a eu un grand amour dans sa vie. Ce grand amour a entraîné aussi sa perte, dans le sang et dans les larmes. Il n’a jamais eu d’enfant. Du moins, il le croit.
Car dans cette pièce minuscule dont l’unique fenêtre est munie de barreaux, la vie de l’extérieur s’engouffre avec fureur. On découvre par exemple que Jeanne (Jeanne Arenes), l’assistante de Richard, est aussi son ex-épouse.
Est-ce par hasard qu’Alice a insisté pour que cette pièce soit montée ? Le désistement de tous les acteurs potentiels, à l’exclusion de Kevin et d’Ange, est-il fortuit ?
Lorsque Richard obtient d’Ange qu’il rompe le silence ; lorsqu’il l’invite à imaginer ce que pourrait être son reclassement dans la société une fois sa peine achevée ; lorsqu’il le pousse à rêver à des retrouvailles avec la femme qu’il a aimée autrefois, tout prend un sens différent.
Mais ce sens nouveau est-il le vrai ? Nous sommes prévenus : le but du théâtre, c’est de faire naître des émotions. Ce qui arrive aux personnages sur scène, c’est peut-être de la pure fantaisie. Le spectateur, abasourdi par un tourbillon de personnages, de flash-backs, de costumes, finit par perdre pied. Il n’y a plus, pour se raccrocher, que la fenêtre et ses barreaux. Tant mieux ! Son inconfort le fait connecter avec des vies inconfortables.
« Intra-Muros » fait écho à mon expérience de visiteur de prison. La référence à la répétition des parloirs, à la frustration des parloirs fantômes, aux paternités frustrées et aux filiations inconnues sonne juste. Il n’est pas faux non plus de considérer la prison elle-même comme une scène de théâtre où chacun joue un rôle et cherche, à défaut d’habiter le présent, à s’inventer un passé.
Une seule ombre au tableau d’une bonne soirée théâtrale : le théâtre de la Pépinière est d’un inconfort redoutable.
Une réflexion sur « Intra-Muros »