C’est un film puissant qu’a réalisé Cédric Kahn, « La prière », qui décrit l’itinéraire d’un jeune drogué dans une communauté dont la thérapie est la foi chrétienne.
Lorsque Thomas (Anthony Bajon), 22 ans, arrive dans cette communauté, il vient de survivre à une overdose à l’héroïne. Le site est isolé en pleine montagne. La règle de vie est impitoyable : ni alcool, ni tabac, ni drogue, ni Subutex ; interdiction de rester seul ne fût-ce qu’un quart d’heure ; participation à de longs moments de prière collective, avec lecture de la Bible et cantiques ; travail manuel dur, quel que soit le temps ; obligation de prendre la parole devant les camarades et de se confesser face à eux des fautes commises.
Thomas se rebiffe, s’enfuit. Sibylle (Louise Grinberg), fille d’un encadrant de la communauté, le persuade de revenir. Elle lui sauve la vie, dira-t-il.
Peu à peu, Thomas se transforme. Le cri de détresse du psalmiste fait écho à son propre sentiment d’abandon. La résurrection de Lazare par Jésus semble une parabole de son propre itinéraire. Les souffrances de Jésus sur la croix répondent à celles, atroces, que les crises de manque lui font subir, à lui l’ex-drogué. Accompagné par Pierre (Damien Chapelle), son tuteur, et sous la direction de Marco (Alex Brendemühl), il prend peu à peu confiance.
Lorsque la fondatrice de la communauté vient en visite (la Polonaise Hanna Schygulla, l’unique comédienne connue du film de Cédric Kahn), elle gifle Thomas pour avoir dit qu’il était heureux dans la communauté. La clé de la désintoxication ne réside pas dans l’abandon des produits toxiques, mais dans la vérité à l’égard de soi-même et des autres. La drogue est une fuite ; on ne peut s’en sortir que si on a la lucidité de rechercher ce qui fait fuir.
La foi dans le Christ et la communication avec lui dans la prière sont le ciment de la communauté. Cette foi est inclusive, dans le sens où elle n’exige pas le préalable de l’adhésion à des dogmes, et aussi parce qu’elle n’implique aucun jugement : tout le monde est accueilli dès lors qu’il consent aux règles, même s’il a fui la communauté, même si son retour à la vie extérieure a été un fiasco.
Perdu en montagne lors d’une randonnée, blessé à une jambe, Thomas prie son Sauveur de ne pas le laisser tomber. Le lendemain, le miracle s’est produit. Il peut de nouveau marcher. Thomas y voit le signe d’une vocation, il veut devenir prêtre. Mais ses sentiments pour Sibylle ne sont pas éteints.
« La prière » est un film fort, puissamment physique. Il y a l’intolérable douleur du sevrage ; la force physique des jeunes accourus pour maîtriser un camarade en crise ; la tendresse d’une étreinte et d’une caresse pour retrouver la paix ; la beauté majestueuse des prairies et des glaciers ; le cadavre d’un camarade retrouvé gelé en pleine forêt, et l’amour brûlant de Thomas et Sibylle.
Cédric Kahn se dit agnostique, et son film ne peut être interprété comme une apologie d’un nouveau monachisme chrétien. Il laisse au spectateur son libre arbitre. Mais il laisse le spectateur profondément troublé.
Le violant espoir fait oublier les violences physiques . On sort de ce film joyeux malgré sa dureté. Oui la rémission est possible.