Le temps des égarés

Arte TV a récemment diffusé « le temps des égarés », un excellent téléfilm de Virginie Sauveur sur le parcours humain et administratif d’immigrants aux prises avec l’OFPRA.

L’OFPRA est l’Office Français pour la protection des réfugiés et apatrides. Sur son site internet, l’Office indique qu’il est chargé de l’application des textes régissant le droit d’asile. Le slogan accompagnant son logo est « à l’écoute du monde ». C’est toute la difficulté de ses agents : se mettre à l’écoute de personnes qui souvent ne partagent pas notre culture et ne parlent pas notre langue ; et appliquer avec rigueur des textes qui aboutissent au rejet d’une grande partie des demandes.

Justement, une fonctionnaire de l’OFPRA reçoit Abdul Yassim (Amer Alwan), un homme qui a fui l’Irak où sa famille qui, dit-il, a été assassinée par Daech. Elle ne croit pas en son histoire, se dit lasse de s’entendre raconter des boniments.

Sira Diabate (Claudia Tagbo) est interprète multilingues à l’OFPRA. Mais surtout, l’office lui offre l’opportunité d’un business lucratif : elle fabrique, moyennant finances, de belles histoires aux candidats au droit d’asile. Elle a même réussi à transformer un milicien turc d’extrême droite en Kurde victime du régime d’Ankara.

Sira a elle-même fui sa famille et son pays lorsque, petite fille, une sorcière était sur le point de l’exciser. Elle a décidé de ne se jamais laisser émouvoir. Lorsqu’arrive sur le pas de sa porte Assa (Hadja Traore), une pétillante petite fille d’une douzaine d’années dont le père est en cours d’expulsion, Sira n’a qu’une idée : se débarrasser de l’intruse. Mais celle-ci, dans sa rage de vivre, lui rappelle trop sa propre histoire.

Dernier personnage clé : la jeune avocate Louise Elaouidi (Alice Belaïdi), spécialiste de droit pénal mais qu’une suite de rencontres convertira à la défense des migrants.

Le film de Virginie Sauveur mène le spectateur de rebondissement en rebondissement. Les acteurs sont remarquables, à commencer par Claudia Tagbo et la petite Hadja Traore. Des scènes sont empreintes de poésie, comme l’évocation de la fuite et de l’exil de Sira, ombres chinoises à l’appui.

Ce qui ressort le plus, c’est l’embarras de la société française face à l’immigration. Les fonctionnaires de l’OFPRA doivent prendre des décisions qui touchent de plein fouet la vie d’hommes, de femmes et d’enfants qui ont tout perdu, croire ou ne pas croire leurs récits, utiliser au mieux leur marge restreinte d’interprétation des règlements. Un Français accueille à bras ouverts Abdul, qui un jour lui a sauvé la vie en Irak ; mais son hospitalité s’arrête lorsqu’il faut libérer la chambre pour un membre de sa famille. Abdul sera meurtri par ce lâchage et par son combat contre l’administration du pays de la liberté, de l’égalité et de la fraternité. La dernière image du film le montre regardant avec envie les ferrys qui quittent Calais pour l’Angleterre.

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