Plantu, 50 ans de dessin

La Bibliothèque nationale de France et Calmann Lévy ont coédité un livre intitulé « Plantu, 50 ans de dessin », avec un texte d’Éric Fottorino.

Jean Plantureux, alias Plantu, a fait don de ses œuvres, environ 20 000 dessins, à la Bibliothèque nationale de France, dont une partie a fait récemment l’objet d’une exposition.

Son ami Éric Fottorino lui donne la parole. Il raconte sa vocation de caricaturiste, contrariée par son père, dessinateur industriel ; ses premiers pas dans des journaux aussi variés que le Canard Enchaîné ou Le Pèlerin Magazine, alors que pour vivre il exerçait le métier de vendeur dans un magasin de bricolage ; et son long compagnonnage avec Le Monde, journal qui lui réserve un espace à la une depuis plus de trente ans.

Plantu a une angoisse : celle « d’être le dernier dessinateur en une du Monde, que demain son espace soit remplacé sans crier gare par une photo sans que nul n’y trouve à redire. » Il faut dire que le contexte a beaucoup changé depuis l’arrivée d’Internet. C’est la fin de l’entre-soi. « L’usage de la caricature relayé par l’étincelle numérique peut mettre le feu aux poudres à tout moment dans n’importe quel point de la planète, écrit Fottorino. »

Depuis les caricatures danoises de Mahomet et l’attentat contre Charlie Hebdo, la vie des dessinateurs de presse est menacée. « Plantu ne circule plus sans l’escorte de deux policiers armés et dévoués, qui l’accompagnent partout, dorment à sa porte, placent sa vie sous haute surveillance. » Pour le dessinateur, c’est une nouvelle responsabilité qu’il endosse. Il l’assume en organisant avec Kofi Annan un colloque « désapprendre l’intolérance » à l’ONU en 2006 et en créant la même année l’association « Cartooning for peace ».

 

On retrouve dans ce livre des dessins qui ont accompagné, et d’une certaine manière, façonné notre histoire politique : Mitterrand en rappeur ; la chaise à porteur de Balladur, parfois mue par des « petits porteurs » ruinés et à poil (une onction fatale, remarque Fottorino) ; les chaussettes nulles (et rouges) de Bérégovoy examinées à la loupe par les inspecteurs de la Commission des opérations de bourse ; le « pépère-mobile » du président normal François Hollande.

Le livre recèle des remarques ou anecdotes piquantes. Pourquoi une petite goutte sur la tempe de Hollande ? « Pour montrer que c’est dur de dire le contraire de ce qu’on a promis. » Pourquoi avoir fait disparaître en 2012 les mouches qui accompagnaient invariablement Sarkozy comme Le Pen ? Parce que le directeur de la rédaction de l’époque, Fottorino lui-même, avait fait observer que l’homme avait été élu président de la République et qu’il convenait de respecter la fonction.

Plantu dessinait Giscard en Confucius. Il « a fini par ressembler aux caricatures que je faisais de lui il y a quarante ans. Maintenant, on dirait un mandarin. »

La censure ne concerne pas que les dessinateurs de pays sous dictature. « Il faut savoir, dit Plantu, que tous les dessinateurs de presse depuis 1945 n’ont jamais le droit de critiquer la CGT. Les dessinateurs danois n’ont pas le droit de dessiner Mahomet. Les dessinateurs français n’ont pas le droit de critiquer la CGT du livre. »

Plantu revendique son statut de caricaturiste dans un univers où tout le monde – des journalistes aux politiques, des médias de fake news aux fondamentalistes – se met à travestir le réel, à forcer le trait : « ils me piquent mon boulot ! », dit-il.

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