Qu’est-ce que la fraternité ?

La décision du Conseil Constitutionnel de considérer la fraternité comme « principe constitutionnel » incite à se demander ce qu’on entend par fraternité et en quoi de ce principe peuvent dériver des lois.

Le Larousse définit la fraternité comme « le lien de solidarité qui devrait unir tous les membres de la famille humaine ; le sentiment de ce lien ». La notion de famille humaine a une forte connotation religieuse. Dans le christianisme, les croyants se sentent frères et sœurs, fils et filles du Père. En Islam, ils et elles sont membres de l’Oumma, la communauté des croyants.

La fraternité était au cœur du projet de Michel Clévenot, mort peu après la publication de son dernier ouvrage de la série « les hommes de la fraternité », il y a vingt-cinq ans. Il écrivit un volume par an de 1981 à 1993. Chacun de ces volumes était consacré à une période de l’histoire du christianisme. Une trentaine de chapitres mettaient en scène des situations et des personnages, souvent humbles et méconnus, que l’Évangile avait bouleversés et mis sur le chemin du dépouillement, du service des autres et de la résistance à l’oppression.

La Fondapol (Fondation pour l’innovation politique), qui se présente comme un think tank libéral, progressiste et européen, a publié en juin 2011 une note de Paul Thibaud sur la fraternité.

L’auteur rappelle que c’est la deuxième République qui, en 1848, proclama la devise républicaine, « liberté, égalité, fraternité ». Dans les démocraties anglaise et américaine, fortement imprégnées de culture religieuse, il n’était nul besoin de parler de fraternité : la religion dominante s’en chargeait. Le concept de fraternité s’imposa en France contre l’Église : l’amour du prochain oui, mais sans référence à l’amour de Dieu. « C’est une certaine obsession de se passer de la religion qui a conduit à ajouter aux principes du droit, que sont la liberté et l’égalité, un appel à la conscience des citoyens. »

Pour un Robespierre, la fraternité était un élément central d’une sorte de messianisme national. Pour les révolutionnaires de 1848, elle exprimait la conviction qu’un élan de générosité peut changer la face du monde. La troisième République se méfie de ces grands idéaux qui ont conduit, l’un et l’autre, à la dictature.

Francisek Kupka, la Fraternité

Pour cela, elle glisse du concept de fraternité à celui de solidarité. La division du travail industriel est en train de casser les solidarités villageoises. Il importe de garantir les ouvriers contre les accidents de la vie : l’ensemble des travailleurs cotisera pour les protéger contre le risque d’accident. Il importe aussi que leurs vieux jours soient pris en charge : leur retraite sera prise en charge par les actifs. La fraternité se concrétise par la solidarité ; le mécanisme technique de la solidarité est l’assurance sociale.

On peut donc dire que la Sécurité sociale et la concrétisation juridique du principe de fraternité, mais indirectement, par le biais de la solidarité. La récente décision du Conseil Constitutionnel, qui établit qu’aider d’autres humains sans contrepartie, même s’ils sont sans papier, découle directement du principe de fraternité. Elle constitue un progrès notable.

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