À l’occasion du centenaire du tour du monde par le trois-mâts « Le Bordelais » (1816 – 1819), le musée de l’histoire maritime de Bordeaux organise jusqu’au 5 mars une exposition Cour Mably.
Intitulée « 3 ans d’épopée pour ouvrir de nouvelles routes maritimes », cette exposition relate l’expédition confiée en 1816 par l’armateur Balguerie Junior au capitaine Camille de Roquefeuille. Parti de Bordeaux, le navire fit escale à Valparaiso, puis au Pérou, à San Francisco, en Alaska, dans les îles Marquise, à Canton et finalement à l’Île Maurice et à La Réunion avant de contourner l’Afrique et de revenir à Bordeaux après avoir franchi six fois « la ligne » de l’Équateur.
Les guerres napoléoniennes ont laissé la France exsangue. Le port de Bordeaux, privé de son débouché anglais, travaille au ralenti. Lorsque le Bordelais arrive à Valparaiso, le Chili est en révolution contre le maître espagnol, lui-même affaibli par la guerre sur son propre territoire. C’est un monde en pleine recomposition qu’arpente le navire français.
Le négoce n’est pas aussi facile que prévu. Aux Îles Marquise, le cours du bois de Santal a explosé. En Alaska, la loutre de mer est sur-pêchée et sa fourrure est devenue rare sur le marché. À Canton ont été institués des droits de douane dissuasifs. Au total, l’expédition Balguerie – Roquefeuille s’avère peu rentable, mais riche d’observations qui serviront ensuite à la marine de guerre et à la marine marchande françaises.
L’exposition est riche d’anecdotes intéressantes. Aux Marquises, les habitants ont compris que les femmes constituent un atout commercial de valeur. Au-delà de la satisfaction immédiate après des mois de mer et d’abstinence sexuelle, certains marins décident de rester. C’est ainsi qu’un rescapé du naufrage d’un baleinier nommé Kabris, originaire de Bordeaux, vécut neuf ans dans une tribu des Marquises, de 1795 à 1804. Il y avait fondé une famille et la tribu le considérait comme l’un des siens. Il fut enlevé par le navigateur russe Krusenstern, qui désirait montrer la curiosité d’un blanc « ensauvagé » à l’empereur de Russie.
La vie du Capitaine de Roquefeuille est intéressante. Après son tour du monde, il ne fut pas réintégré dans la Royale, dont il avait obtenu un congé. Il partit vivre et travailler à l’île de La Réunion, où il se maria et s’installa définitivement.