Arte TV a récemment diffusé « The Square », film réalisé par Ruben Östlung, palme d’or au Festival de Cannes 2017.
Christian (Claes Bang) est conservateur d’un musée d’art contemporain dans une ville de Suède. Il se prépare à accueillir une exposition intitulée « the Square ». Un carré de 4 mètres de côté est délimité et bordé de lumière dans la cour d’accès au musée. Si quelqu’un dans le carré demande de l’aide, il est du devoir des passants de répondre à cette demande. L’exposition constitue un hymne à l’altruisme.
Trois événements font dérailler ce généreux projet. Il y a d’abord un banal vol de portefeuille et de portable. La trace GPS de ce dernier permet à Christian de repérer la barre d’immeubles de banlieue où vit le voleur. Il distribue dans la boîte aux lettres de tous les occupants une lettre les accusant du vol et leur enjoignant de lui restituer son avoir. Mais le voici harcelé par un gamin de dix ans qui exige des excuses : accusé de vol par ses parents, confiné dans l’appartement et privé de sorties par sa faute.
Des publicitaires présentent un audacieux projet de spot à diffuser sur les réseaux sociaux. Puisque l’humanisme altruiste ne fait pas recette et qu’il faut choquer pour « faire le buzz », on placera dans le Carré une petite mendiante implorant l’aide des passants. En conclusion du spot, la fillette disparaîtra à l’explosif. Christian ne s’est pas vraiment investi dans le suivi de cette opération publicitaire qui suscite l’indignation. Il est pris en flagrant délit de faute professionnelle, et aussi morale.
Le dîner de gala organisé pour lancer l’exposition tourne au cauchemar. On a recruté un comédien qui saute de table en table imitant un singe (Terry Notary). Celui-ci devient de plus en plus agressif et hors de contrôle jusqu’à ce que, dans la paralysie générale des convives, il entreprenne de violer l’une des participantes au dîner.
Outre le dîner de gala, « The Square » comporte des scènes inoubliables. Christian recherche dans un amas de poubelles renversées le papier où est inscrit le numéro de téléphone du gamin auprès duquel il a décidé de s’excuser. La cage d’escalier de l’immeuble du gosse est un gigantesque pas de vis qui donne le vertige. Après l’amour d’un soir avec Anne (Elisabeth Moss), ils se battent pour la possession du préservatif. Le musée présente une œuvre qui a coûté des millions, composée de tas de gravillons ; un agent de nettoyage a aspiré une partie des cailloux ; Christian décide de faire amener du gravier et de reconstituer l’œuvre précieuse grâce à des photos de l’original.
Christian est généreux, passionné d’art, père attentif pour les deux filles dont il a la garde alternée. Il est fondamentalement altruiste, mais il est positionné du bon côté de la société : les mendiants couchés sur le trottoir ou les loubards de banlieue ne font pas partie de son monde.
Ainsi que l’exprime le réalisateur, Ruben Östlung « l’’individualisme grandissant dans nos sociétés européennes, alors que la dette du gouvernement s’alourdit, que les prestations sociales diminuent et que le clivage entre riches et pauvres ne cesse de se creuser depuis une trentaine d’années. Même en Suède, pourtant reconnue comme l’un des pays les plus égalitaires au monde, le chômage croissant et la peur de voir son statut social décliner ont poussé les gens à se méfier les uns des autres et à se détourner de la société. »