Justice préventive : la loi fantôme

La loi instaurant des mesures de sûreté à l’encontre des auteurs d’infractions terroristes à l’issue de leur peine a été promulguée, amputée par le Conseil Constitutionnel de ses principaux articles.

Trois des quatre articles de cette loi 2020-1023, signée au Fort de Bégançon le 10 août 2020, ont été déclarés non conformes à la Constitution. Vidée de son contenu, elle s’apparente à une loi fantôme.

« Transhumances » s’était fait l’écho des réserves émises par la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme (CNCDH). Le projet de loi prévoyait en effet que des terroristes ayant purgé leur peine et jugés dangereux puissent voir leur liberté d’aller et de venir entravée pendant un an renouvelable. La CNCDH s’élevait contre la création d’une justice préventive. Il ne s’agirait pas de sanctionner des actes objectivement commis, mais de prévoir grâce à des modèles nécessairement subjectifs, qu’une personne pourrait commettre des délits ou des crimes.

Le Conseil Constitutionnel ne critique pas en lui-même le principe de mesures préventives, et en ce sens il se démarque de l’analyse de la CNCDH. Mais il considère que la loi porte atteinte aux droits constitutionnels fondamentaux –  la liberté d’aller et de venir, au droit au respect de la vie privée et au droit de mener une vie familiale normale – d’une manière disproportionnée par rapport à l’objectif poursuivi.

Il s’élève contre la durée de la mesure qui, si elle est renouvelée, peut durer jusqu’à cinq, voire 10 ans.

Il relève une contradiction dans le cas où peine prononcée inclut un sursis et que celui-ci n’a pas été assorti d’une mise à l’épreuve, alors que celui-ci assurerait pourtant un suivi de la personne après son emprisonnement, La décision d’appliquer la mesure de sûreté irait plus loin que la condamnation.

Il regrette que la mise en place de mesures de sûreté soit possible même si la personne n’a pas bénéficié, pendant l’exécution sa peine, d’actions pour favoriser sa réinsertion.

Enfin, il regrette que les renouvellements de la mesure de sûreté puisent être décidés aux mêmes conditions que la décision initiale, sans qu’il soit exigé que la dangerosité de la personne soit corroborée par des éléments nouveaux ou complémentaires.

Le Conseil Constitutionnel a rempli son rôle. Bravo !

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