J’accuse

« J’accuse », film de Roman Polanski (2019), est un véritable thriller qui plonge le spectateur au cœur d’un immense scandale d’état.

 Le personnage central du film est le lieutenant-colonel Marie-Georges Picquart (Jean Dujardin) Celui-ci est promu chef de la section statistique, le bureau de renseignement militaire, quelques mois après que le Capitaine Alfred Dreyfus (louis Garrel) eût été dégradé dans la cour d’honneur de l’École militaire de Paris le 5 janvier 1895, sous les hurlements d’une foule qui crie « À mort Judas ! Mort au Juif ! »

 Picquart est sur la piste d’un autre traitre, Esterhazy. Il découvre que celui-ci est l’auteur du « bordereau » accompagnant des documents destinés à l’ambassade d’Allemagne, qui a fait condamner Dreyfus. Celui-ci est innocent. Picquart alerte sa hiérarchie et jusqu’au ministre de la guerre. L’institution militaire se raidit : la réouverture du dossier Dreyfus porterait un coup à sa réputation.

Picquart va de découverte en découverte. Un dossier accablant pour Dreyfus a été fabriqué par son adjoint, le colonel Henry (Grégory Gadebois). Il a été remis aux juges militaires et non communiqué à la défense.

 Picquart est muté aux colonies. Mais l’affaire n’est pas étouffée. Des parlementaires, comme Georges Clemenceau, donnent de la voix. Le 13 janvier 1896, Émile Zola (André Marcon) lance dans l’Aurore un brûlot, « J’accuse ». La répression se fait plus forte à mesure que le scandale s’étend. Picquart et Zola sont emprisonnés.

 Les dreyfusards parviennent à obtenir un second procès et à faire rapatrier Dreyfus de l’île du Diable (Guyane), où il était emprisonné dans des conditions de total isolement. Le procès se tient à Rennes. Le verdict, énoncé le 9 septembre 1899, est un monument d’hypocrisie : il reconnaît Dreyfus coupable mais lui reconnaît des circonstances atténuantes.

Dreyfus demandera et obtiendra sa grâce du président de la République, ce qui provoquera le courroux de ses soutiens, en particulier Picquart, qui auraient souhaité qu’il poursuive le combat pour sa réhabilitation. Celle-ci sera obtenue par un arrêt de la Cour de Cassation en 1906. Picquart, de son côté, sera promu général et ministre de la guerre dans le cabinet de Clemenceau.

 Le « J’accuse » de Polanski tient le spectateur en haleine du début à la fin. Le César 2020 du meilleur réalisateur est amplement mérité. Je ne fais pas partie de ceux et celles qui souhaiteraient interdire l’exercice et la reconnaissance de leur métier à des artistes qui, comme Roman Polanski, sont soupçonnés ou accusés d’abus sexuels. Ce serait priver la société du fruit de leur talent et de leur créativité, une sorte d’amputation.

 En 1983, « L’Affaire », le livre que Jean-Denis Bredin avait consacré à l’affaire Dreyfus m’avait tant passionné que je m’étais retrouvé dans le noir, au terminus d’une ligne de métro parisien. J’étais si absorbé par la lecture que j’avais perdu la notion du temps : je vivais littéralement dans le Paris des années 1890. J’ai retrouvé un peu de cette sensation en regardant le film de Polanski.

Une réflexion sur « J’accuse »

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