Robe noire

Arte TV a récemment diffusé « Robe noire », film de Bruce Bereford (1991) sur la mission d’un jeune jésuite français vers un village huron, dans l’actuel Québec, en 1634.

Le jeune Laforgue (Lothaire Bluteau) se rêvait en missionnaire et en martyr de la foi. Il donnerait sa vie pour le salut des sauvages. Il ne craindrait ni la mort, ni la torture puisqu’il s’associerait ainsi aux souffrances du Christ et trouverait une place auprès de lui au paradis. Ce projet de vie et de mort a de drôles de résonnances dans notre actualité, quatre siècles plus tard.

Devenu jésuite, il se voit confier par Samuel Champlain, gouverneur de la Nouvelle France, la fonction de curé d’un village huron christianisé situé à plusieurs jours de kayak. Il sera accompagné par une tribu huronne et par Daniel (Aden Young), un charpentier breton qui veut, comme lui, devenir prêtre.

Sept kayaks lourdement chargés traversent des lacs et remontent des rivières dans des paysages à couper le souffle, que le père Laforgue perçoit comme des cathédrales. Mais le voyage ne se passe pas comme prévu. Les hommes tiennent à consulter le sorcier Neematin, qui décide que « Robe noire », le surnom dont est affublé le jésuite, doit mourir. Seule la force de conviction du chef de la tribu, Chomina (August Schellenberg) parvient à les en dissuader.

Daniel tombe amoureux d’Annuka (Sandrine Holt), la fille de Chomina. Laforgue les surprend à faire l’amour, et il se surprend lui-même à être tenté par le « péché de la chair ».

Les Iroquois, ennemis jurés des Hurons, parviennent à capturer Laforgue, Daniel, Chomina et Annuka, promis à des tortures raffinées et à une longue agonie.

Pour achever de troubler Laforgue, l’odyssée partagée avec les « sauvages » qu’il est censé évangéliser lui démontre que ceux-ci ont des valeurs de partage, d’altruisme et de solidarité proprement évangéliques, alors que les Européens se livrent à toutes sortes de trafics, en commençant par celui des armes. Chomina a toujours rêvé d’une île où son histoire personnelle finirait : ses rêves n’ont-ils pas plus de consistance que le paradis promis par l’Église ?

J’ai failli ne pas regarder « Robe noire » à cause de la critique de Télérama : « Longue (et mauvaise) bande annonce pour une série télé. Personnages schématiques, action inexistante, clichés à la pelle et mise en scène d’une platitude absolue. » Il est vrai que le même Télérama dit que la peinture des deux parties, les Hurons et les Français, sous des traits ambivalents retient l’attention et loue cette « excursion sauvage et joliment paysagiste ». J’ai trouvé pour ma part l’intrigue captivante (Laforgue parviendra-t-il à occuper son poste de curé ?) Les personnages sont généreux, tentés par le fanatisme, mais aussi en proie au doute. Quant à la mise à l’écran de la rencontre de deux civilisations au début du dix-septième siècle, je n’ai pas d’éléments pour la juger, mais elle apparait crédible. Bref : carton rouge à Télérama, et vive recommandation pour « Robe Noire ».

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