Une thèse sur le bénévolat en prison en Italie et en France m’a permis de découvrir Controluce, une association de bénévoles active à la prison de Pise (Toscane), dans et hors les murs.
Patrizia Pacini Volpe, chercheuse à l’Université Nice cöte d’Azur, a réalisé une thèse sur « le rôle positif du bénévolat en prison, expériences de solidarité et pratique de subsidiarité ». Elle a pour cela comparé les pratiques du bénévolat à la prison de Pise, Casa Circondariale Don Bosco, et à la maison d’arrêt de Grasse.
L’organisation du bénévolat en prison dans les deux pays est aux antipodes. En Italie, il est fragmenté en une myriade d’initiatives et de petites structures agissant sur un territoire. Ces structures occupent des champs d’activité très divers, de l’instruction et l’enseignement aux loisirs, de la prise en charge de la toxicodépendance au « soutien moral individuel », équivalent de la « visite » par les visiteurs de prison français. Elles ne se limitent pas à la détention, et accompagnent aussi des personnes détenues à leur sortie de prison pour la recherche d’un logement et d’un travail. L’autrice parle d’intérêts « polyédriques ».
Patrizia Pacini Volpe souligne qu’en France, les associations de bénévoles intervenant en prison ont un caractère national, centralisé, et qu’elles forment une structure pyramidale national/régional/local. Chacune a un champ d’action limité, défini par une convention conclue avec la direction de l’administration pénitentiaire, et nul ne se permet d’envahir le territoire des autres : les domaines d’intervention sont séparés en compartiments étanches.
Ces deux modèles ont leurs avantages et leurs inconvénients. Côté italien, les structures sont proches de leur territoire, ce qui leur donne une grande efficacité pour intervenir en tenant compte de leur réalité spécifique et changeante. L’approche française a pour avantage de garantir une égalité de traitement entre tous les établissements et de se prêter à une mesure des résultats obtenus.
Controluce (contrejour) se définit comme une association de bénévolat pénitentiaire qui se place aux côtés de personnes sous main de justice (peu importe que ce soit en prison ou en milieu ouvert) et de leurs familles pour les accompagner dans le difficile parcours de réinsertion sociale. Son slogan : « ensemble pour accompagner ceux qui purgent une peine à retrouver leur place dans la société, ensemble pour promouvoir la culture de l’accueil et de la solidarité ».
L’association, créée en 1993, insiste sur l’importance de la formation de ses membres, à travers un parcours de formation initiale et des conférences ouvertes au public. Elle mène des actions de sensibilisation de la société, en particulier les jeunes scolarisés, à des comportements plus orientés vers l’accueil. Elle a le souci de coopérer avec d’autres associations et des structures publiques et privées.
Les adhérents de Controluce pratiquent l’entretien individuel avec les personnes détenues, ce que nous appelons en France « la visite ». Ils coordonnent la revue « La Torre et l’Alfiere » (la Tour et le Fou), rédigée entièrement par des personnes détenues. Ils proposent des rencontres de détenus sur des thèmes d’actualité, à partir de la lecture de journaux. Hors de la prison, ils suivent des groupes de personnes exécutant une peine en milieu ouvert : par exemple des travaux d’intérêt général au jardin botanique de l’université, qui aboutissent parfois à des embauches en CDI.
L’association tient une permanence deux fois par semaine à son siège, où elle reçoit des détenus en permission, des familles, des candidats bénévoles. Ses membres participent à des actions de sensibilisation à la justice et à l’inclusion sociale dans des écoles, des paroisses, des groupes de jeunes. Elle fait partie d’une structure fédérative du bénévolat pénitentiaire, le SEAC, au sein de laquelle elle pilote un projet intitulé « bénévoles pour les mesures de communauté ». Cette structure se veut explicitement chrétienne. Ce n’est pas le cas de Controluce, bien que plusieurs membres, dont la présidente Luisa Prodi, participent activement à l’aumônerie de la prison Don Bosco de Pise.
Luisa Prodi : « je pense que la chose la plus belle que fasse notre association est d’avoir un contact humain avec les détenus même quand ils sont sortis de la prison, un fil rouge (en français dans le texte) pour leur faire comprendre que notre intervention ne se limite pas à l’intérieur des murs, mais qu’elle englobe tout. » La plus grande difficulté ? La situation des personnes détenues extra-communautaires sans papiers : on prétend les aider à se réinsérer, mais leur situation de non-droit les amène presque inéluctablement à retomber dans la délinquance.