Dans « Gabriel et la montagne », film de 2017, le réalisateur brésilien Fellipe Bardosa rend hommage à son ami Gabriel Buchman, mort en 2009 sur les pentes du mont Mulanje au Malawi.
« Gabriel et la montagne » raconte les 70 derniers jours de Gabriel Buchman. Pendant un an, il a voyagé en Inde et en Afrique avant d’intégrer une université californienne pour un doctorat en économie. Dès la première séquence, il n’y a pas de doute sur son destin : des paysans le découvrent par hasard dans une grotte, mort de froid et d’inanition trois semaines auparavant.
Gabriel voyage à pied, chaussé de sandales fabriquées par un cordonnier kényan à base de pneumatiques. Il loge plus volontiers chez les gens de rencontre qu’à l’hôtel, et se trouve bien souvent le seul « mzungu » (blanc) dans les villages où il s’arrête. Les Masaïs le considèrent comme l’un des leurs et le baptisent « Lemayan », « Béni entre tous ».
Gabriel est un être paradoxal. Il aime partager l’extrême lenteur de la vie villageoise, l’apprivoisement avec les enfants, la patience d’un affût. Mais quand il s’agit de sa passion pour la montagne, il veut tout, tout de suite. Il arrive épuisé au sommet du Kilimandjaro et ne doit son salut qu’au guide qui l’accompagne. C’est sa folle imprudence qui cause sa perte alors qu’il redescend en solitaire, sans équipement, les pentes du Mulanje.
Cristina, l’amie de Gabriel, le rejoint pour quelques jours en Tanzanie. Leur amour est charnel, volcanique. Mais Cristina renvoie à l’adopté-masaï l’image du touriste blanc qu’il ne peut cesser d’être quoi qu’il en pense. Le rejoindra-t-elle en Californie ? Leur séparation à l’aéroport d’où elle s’envolera pour le Brésil ressemble à un adieu.
Felllipe Bardosa a choisi de filmer les maisons où Gabriel a dormi, les chemins qu’il a parcourus, les autobus qu’il a empruntés. Les personnes qu’il a rencontrées ont accepté de jouer devant la caméra les moments passés avec lui. Seuls deux acteurs professionnels ont réincarné Gabriel (João Pedro Zappa) et Cristina (Caroline Adras).
Deux moments m’ont particulièrement ému. Alors qu’il voyage depuis 20 heures dans un autocar avec Cristina, Gabriel demande à l’autobus de s’arrêter. Le couple continue son chemin à pied et demande l’hospitalité. La dernière scène est bouleversante : Gabriel, réfugié en hypothermie dans une anfractuosité de rocher après s’être perdu dans la descente du mont Mulanje, se dépouille de ses vêtements et regarde en face le paysage et la mort qui vient.
J’ai pu voir « Gabriel et la montagne » en replay sur Arte TV. En période de confinement, il est bon d’avoir accès au cinéma… dans son salon.