Spécificités d’une jeune fille blonde

Une Brésilienne que je visitais en prison m’a parlé d’une nouvelle de José Maria de Eça de Queirós (1845-1900) : « spécificités d’une jeune fille blonde » (specificidades de uma rapariga loira).

 Publiée en 1879, cette nouvelle est le récit de la déception amoureuse d’un homme dénommé Macário, comptable dans la boutique de tissus de son redoutable oncle Francisco. Macário tombe amoureux d’une jeune fille blonde, Luisa, qu’il aperçoit à sa fenêtre, de l’autre côté de la rue.

 Cet amour est contrarié par deux intransigeances. Celle de l’oncle Francisco, auquel le neveu attribue les caractéristiques suivantes : « sa stature impressionnante, ses yeux d’or, sa barbe grisonnante, en collier, sous le menton, un tic nerveux qu’il avait d’un côté du nez, la dureté de sa voix, sa tranquillité austère et majestueuse, ses principes d’autrefois, autoritaires et tyranniques, et la brièveté télégraphique de ses paroles. »

Film de Manoel de Oliveira d’après la nouvelle d’Eça de Queiiros (2009)

Pour des raisons non élucidées, Francisco a décidé que son neveu resterait célibataire. Lorsque Macário démissionne de son emploi avec l’intention d’épouser Lucia, Francisco actionne ses relations pour qu’il ne retrouve pas de travail. Pour échapper à la misère, il s’exile au Cap Vert où il mène une vie de labeur et fait fortune.

 Macário devient gérant d’une société créée par un ami, et lorsque celle-ci fait faillite, il paye ses dettes et est de nouveau ruiné. Admirant son honnêteté, Francisco le réintègre dans son entreprise et consent à ce qu’il épouse Lucia.

 C’est alors que Macário est victime d’une seconde intransigeance, la sienne propre. Alors qu’ils sont tous deux dans une bijouterie pour acheter leur bague de mariage, Lucia vole un bijou. Elle se révèle cleptomane. Il rompt. « Quand il sortit, à la nuit tombée, il n’avait ni résolution ni idée. Il était comme une éponge saturée. Il se laissait aller. »

 « Specificidades de uma rapariga loira » est écrit dans une langue portugaise magnifique. L’humour n’en est pas absent.

 Macário, Lucia et un chanoine sont assis avec d’autres convives à une table de jeu. Une pièce d’or de 7 000 réals appartenant à Macário roule sur la table et disparaît. « Il décida mentalement qu’il y avait eu une soustraction – et il l’attribua au chanoine. La pièce avait roulé, c’était certain, jusqu’à lui, sans bruit, lui l’avait mis au-dessus de son grand soulier ecclésiastique ; ensuite, dans un mouvement brusque et court, il l’avait vilement saisie. » Macário s’indigne des réactions naïves du chanoine et est sur le point de le gifler. Il découvrira plus tard que le pauvre était innocent, et que la coupable n’était autre que sa fiancée.

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