Condamné à purger une longue peine dans une prison au sud d’Oxford, un détenu explique comment la peinture a redonné un sens à sa vie, la créativité s’opposant à la brutalité et à l’apathie de la vie carcérale.
Le site « Prison Insider » a récemment donné la parole à l’animateur du site Steeldoorstudios (les studios des portes en acier). Âgé de près de 54 ans, il a passé de nombreuses années en prison. Étant daltonien, il pensait la peinture inaccessible pour lui et n’y est venu que tardivement. Il mesure la chance d’être incarcéré dans une prison qui favorise l’expression artistique « surtout tout au long de cette pandémie où nous avons passé une quantité excessive de temps enfermés dans nos minuscules boîtes de béton. »
Comment s’adapter à l’isolement ? Telle est la question qui se pose dès le premier jour en prison. « Alors que cette porte en acier claque pour la première de nombreuses nuits d’incarcération, vous vous retrouvez seul, sans famille, sans amis, mari, épouse ou enfants. Complètement privé des êtres aimés, vous ressentez vraiment le poids de cet isolement.
Réduit à un simple nombre
« Je me souviens très bien du lendemain matin, alors que l’aube de ce nouveau jour éclairait la cellule victorienne puante et délabrée qui devait être ma nouvelle demeure pour de nombreuses années à venir. S’habituer aux bruits des hommes désincarnés de l’autre côté du mur épais et froids : agitation, toux, reniflements, gémissements tout au long de la coursive. »
« À partir de maintenant, on me dit quand manger, se laver, faire de l’exercice, même quand parler. On me dit ce qu’on exige de moi et je ne me fais pas d’illusions sur les conséquences de toute violation des règles. Réduit à rien de plus qu’un simple nombre accompagné seulement d’un profond manque de voix. »
La capacité d’être créatif
Et pourtant, dit l’artiste, « comme beaucoup d’autres, au milieu de la brutalité et de l’apathie du système carcéral, j’ai conservé ou trouvé la capacité d’être créatif. Certains écrivent de la prose ou de la poésie, d’autres peignent, dessinent ou jouent de la musique. Quel que soit le pli qu’ils prennent, c’est la seule chose que les humains ont en commun : nous sommes tous par notre nature même créatifs. »
L’art met la personne incarcérée « en mesure de partager, se connecter et peut-être un jour revenir au monde extérieur, non pas comme un paria contaminé, mais comme un membre utile et précieux de la société avec quelque chose à offrir. »
L’artiste est incarcéré dans une prison où l’art est encouragé par une fondation privée, mais a le sentiment que l’administration pénitentiaire, qui dans les années 1990 considérait l’art créatif comme un moyen « d’enrichir et d’encourager les âmes de ceux qui ont mené une vie destructrice », a perdu la passion sous le poids de la bureaucratie. Alors, on trouvait en prison des studios créatifs totalement équipés. C’est devenu une rareté aujourd’hui.
Les peintures de Steeldoorstudios parlent de la prison, du temps que l’on tue, de la folie à laquelle on tente d’échapper, des rêves verts que l’on fait dans le gris de la cellule. Elles sont fortes, puissantes, à l’image d’un homme qui a décidé de rester vivant dans un système qui pourrait l’anéantir.
Les images reproduites dans cet article l’ont été avec l’accord de l’artiste. Elles sont protégées par un copyright (2020). On peut consulter le site Internet de Steeldoorsstudios, ses pages Facebook, Twitter et Instagram.