Fragments d’une passion amoureuse

France 5 a récemment diffusé un documentaire d’Yvan Gaillard et Hugues Nancy, « François Mitterrand et Anne Pingeot, fragments d’une passion amoureuse ».

Le documentaire est fondé sur les « lettres à Anne », recueil de 1218 lettres qu’a écrites François Mitterrand de sa rencontre avec Anne Pingeot en1963 à sa mort le 8 janvier 1996. Ces lettres ont été publiées en 2016 chez Gallimard sous le titre « lettres à Anne ».

C’est un visage méconnu de François Mitterrand que révèle ce film. On connaissait le Sphynx, inflexible dans la poursuite de son ambition, protégé par une muraille d’indifférence de tout ce qui pourrait la contrarier. Or, on le découvre dévoré par une passion amoureuse qui, en 1963, alors qu’il se sent dépressif, le remplit de l’énergie qui l’amènera deux ans plus tard à se présenter à la présidence de la République contre le Général de Gaulle.

François écrit à Anne d’Hossegor le 21 août 1964 : « […] Si tu savais, mon Anne, la plénitude et la confiance qui m’ont habité grâce à toi. Confiance dans la générosité de la vie, plénitude de mes facultés portées au meilleur d’elles-mêmes et dans une incroyable harmonie. Nos rencontres, nos promenades, nos tendresses n’ont pas été que des échanges entre nous. Elles ont été pour moi une façon d’appréhender le monde, les choses, les êtres, l’action et d’une certaine manière – l’expression est sotte – mon âme. Tu m’as délivré de ce qui m’enrayait, me rouillait, me diminuait. Je me suis débarrassé de tout calcul. Je n’ai obéi à aucune stratégie amoureuse. »

Pour Anne, issue d’une famille bourgeoise catholique de Clermont-Ferrand, la relation adultère et secrète avec un homme de vingt-sept ans son aîné représente un écart vertigineux avec les principes dans lesquels elle a été éduquée. Dans les années 1970, elle lui envoie une lettre de rupture. Mitterrand se réfugie chez un prêtre qui vit dans un bidonville à Calcutta. Il écrit à Anne ce poème :

« Pour le bonheur perdu,
Je te demande pardon, mon Anne
Pour l’amour que je t’ai mesuré,
Pour la paix que je t’ai refusée,
Pour les heures que je ne t’ai pas données
Pour l’espérance délaissée
Je te demande pardon, mon Anne. »

Mazarine, l’enfant née de l’union de François et Anne en décembre 1974, inscrit leur union dans la durée. Voici la lettre que lui écrit son père trois semaines après sa naissance :

« Mazarine chérie, j’écris pour la première fois ce nom. Je suis intimidé devant ce nouveau personnage sur la terre qui est toi. Tu dors. Tu rêves. Tu vis entre Anne, le veilleur et ce joli animal qu’on appelle le dormeur. Plus tard tu me connaîtras. Grandis mais pas trop vite. Bientôt tu ouvriras les yeux. Quelle surprise, le monde ! Tu t’interrogeras jusqu’à la fin sur lui. Anne est ta maman. Tu verras qu’on ne pouvait pas choisir mieux, toi et moi. »

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