« Papoum » est le nom que je n’avais pas choisi et qui s’est imposé dans la bouche de mes petits-enfants pour désigner leur grand-père.
Je suis devenu grand-père tardivement. J’avais 66 ans quand ma première petite-fille est née en 2015. Sont venus ensuite une autre petite-fille en 2017, trois petits-fils en 2019, une dernière petite fille l’an dernier.
L’aînée aura bientôt 6 ans. Elle frappe par sa sensibilité et la pertinence de ses questions sur la vie et sur la mort. C’est une amoureuse des animaux. Pendant notre séjour en Corse, il y a quelques jours, elle a déclenché l’alarme de la piscine pour venir à la rescousse d’un insecte menacé de noyade.
La seconde est de 17 mois sa cadette. C’est une fonceuse. Elle n’a pas appris à nager, mais elle est à la piscine comme un poisson dans l’eau. Elle aussi est sensible. Dans une église de Porto-Vecchio, elle m’a demandé d’allumer un cierge « pour ta maman », sa grand-mère paternelle décédée en octobre.
Le premier des garçons a fêté en mars ses deux ans. Il est solide, bien campé sur ses deux jambes. Il prononce « paPOUM », la seconde syllabe cinglant comme des cymbales. Chez nous à Maubuisson, il commence chaque séjour par une razzia sur les livres de la bibliothèque et ne se lasse jamais de se les entendre lire.
Le second garçon fêtera ses deux ans dans quelques jours. Il a une faculté de concentration extraordinaire, cherche à comprendre comment les choses fonctionnent et s’emboîtent. À la plage, il ne cesse de remplir son sceau d’eau de mer, de sable et d’algues et d’expérimenter diverses combinaisons.
Le troisième garçon aura deux ans en octobre. Il court en tous sens, comprend vite, prononce de nombreux mots (dont naturellement « papoum »), teste fréquemment ses propres limites et celles que lui imposent les adultes. Il est affectueux et goûte autant les câlins que les gâteaux.
La petite dernière est une petite fille en or, souriante, heureuse de vivre en toutes circonstances. Elle n’a que 8 mois mais elle occupe déjà sa place dans le cercle de famille.
« L’art d’être grand-père », disait Victor Hugo. Il n’y a rien de plus gratifiant que de gagner la confiance des petits-enfants, rien de plus passionnant que de trouver à chaque instant le ton juste entre empathie et fermeté, rien de plus excitant que de tenter de répondre à des questions que des traités d’astronomie ou de métaphysique ne parviennent pas à élucider.
Dans la biographie de Gustave Flaubert par Michel Winock, j’ai trouvé ce passage concernant l’amitié entre Flaubert et George Sand. « Ce qu’il a vu à Nohant, cette dame âgée entourée des siens, son art d’être grand-mère, tous les menus plaisirs dont elle sait emplir ses journées, donner la leçon à ses petites-filles, soigner son jardin, faire de la botanique et des confitures, écouter de la musique, rire au théâtre de marionnettes, tirer de chaque saison les odeurs qui inondent le parc, admirer les paysages de neige ou le printemps renaissant, oui, quel exemple lui donne, selon l’expression de Mona Ozouf, « cette volonté de laisser le moins de prise possible au malheur » ».
Les petits-enfants jouent ce rôle auprès de leur « papoum » : lui enseigner, encore et encore, le chemin du bonheur