Cocaine prison

J’ai eu l’occasion de voir récemment « Cocaine prison », film documentaire de Violeta Ayala (2017).

Hernán et Daisy Torrez Vargas sont les aînés d’une fratrie de six enfants dans la région montagneuse de Cochabamba en Bolivie. Leur père cultive la feuille de coca. Hernán rêve d’être musicien. Pour accomplir son rêve, il accepte de transporter de la cocaïne jusqu’en Argentine. Il est arrêté par la police et enfermé dans la prison San Sebastián.

Daisy est une élève brillante. Elle sera la première diplômée de l’enseignement supérieur de son village. Elle n’a de cesse de visiter son frère en prison, de lui remonter le moral, de se battre pour qu’il soit libéré.

Daisy Torrez Vargas

La prison San Sebastián de Cochabamba ne correspond en rien à l’image que nous nous faisons d’une geôle. Il faut imaginer une grande bâtisse presque sans barreaux, construite autour d’un patio grouillant de monde, avec des cellules-alvéoles construites de bric et de broc sur les toits ou en mezzanine aux étages.

600 à 700 détenus y sont entassés, alors qu’il n’y a que huit toilettes. Des enfants sont incarcérés avec leur père. On y achète sa cellule, pour 2 000$. Tout se paye, la nourriture, une coupe de cheveux, une protection contre le risque d’assassinat. Parfois, un atelier de fabrication de meubles occupe le patio. Il n’y a pas de parloir : les rencontres avec les avocats et la famille se font dans le patio ou en cellule. Les familles peuvent célébrer des anniversaire et amener des gâteaux.

Ce qui rend ce documentaire saisissant, c’est que la réalisatrice a pu introduire des caméras dans la prison et que Hernán et son ami Mario ont filmé leur vie quotidienne dans ce qu’ils n’hésitent pas à qualifier d’enfer.

Daisy n’a de cesse de faire libérer son frère. Elle va jusqu’à convoyer elle-même de la drogue jusqu’en Argentine, espérant que le « patron » trouvera le moyen de le faire sortir. Mais elle découvre peu à peu que la justice ne s’intéresse qu’aux pauvres. Les gros bonnets disposent de l’argent et de relations qui les mettent à l’abri. Une « mule » est payée 100 à 200$ pour une cargaison de cocaïne qui coûte 1 500$ au départ de Bolivie et 15 000$ en Argentine.

Bizutage de détenus nouvellement arrivés dans le patio de la prison San Sebastian

C’est finalement une mesure d’amnistie prise par le président Evo Morales pour vider les prisons qui permet à Hernán de retrouver la liberté. Mais rares sont les détenus qui, comme lui, ont une sœur capable de remplir des dossiers et combative : peu seront libérés.

Daisy est une belle jeune femme, qui ne se décourage pas et  n’abandonne jamais. Hernán et Mario frappent par leur dignité, malgré les conditions de détention indignes. Mario souffre de l’éloignement de ses enfants. Il n’en peut plus de voir son procès reporté à cinq reprises pour des motifs futiles. Il se lève à 4h30 chaque matin pour des travaux de nettoyage. Mais il conserve la tête haute, édentée certes mais haute, concentré qu’il est sur l’horizon de sa libération.

Le film commence et se conclut par l’image de fourmis lourdement chargées de feuilles de coca. Telles sont les « mules » qui fabriquent et transportent la cocaïne. Mais elles sont surtout des humains qui ont l’espoir chevillé au corps.

Feuilles de coca

 

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