France 5 a récemment diffusé « Baudelaire, moderne et antimoderne, documentaire réalisé par Julie Peyrand et Caroline Halady à l’occasion du bicentenaire de la naissance du poète.
Comme Gustave Flaubert, Charles Baudelaire est né en 1821. Comme lui, il détestait son époque marquée par le triomphe de l’argent et de la bourgeoisie. Comme lui, il inventa une nouvelle manière d’écrire, non plus destinée à édifier mais à se tenir au plus près de la réalité, fût elle brutale et sale.
En ce sens, Baudelaire est moderne, car il ouvre la voie à d’innombrables artistes et écrivains. Il est aussi antimoderne par son hostilité viscérale à la société industrielle et financière triomphante, dont la plus brillante vitrine fut le Paris Haussmannien.
Des poèmes de Baudelaire dits par Camélia Jordana ponctuent le documentaire de Peyrand et Halady et lui donnent une tonalité chaude. On pourrait même parler d’une texture, d’une saveur, d’une couleur ou d’un parfum particuliers, tant l’écriture de Baudelaire et la diction de Jordana sont sensuelles.
Le documentaire insiste sur l’impact de Baudelaire sur les artistes depuis deux siècles. Des peintres (Courbet) , des sculpteurs (Rodin), des poètes et chanteurs (Léo Ferré, Serge Gainsbourg, aujourd’hui Clara Luciani) ont reconnu et reconnaissent en lui un maître qui a façonné leur vision du réel.
Il est possible d’établir un parallèle entre Baudelaire et un écrivain d’aujourd’hui, Michel Houellebecq. Outre une ressemblance physique étonnante, ils partagent un profond rejet du monde dans lequel ils vivent et la volonté de se tenir au plus près de ce qu’ils observent, même si c’est obscène ou déprimant, sans craindre de choquer ni de provoquer.
En hommage à Charles Baudelaire, et dans la ligne de mon intérêt pour l’enfermement, je cite ici des extraits de deux poèmes des Fleurs du mal : L’homme et la mer ; Sur le Tasse en prison de Delacroix (en réalité, la prison est l’asile psychiatrique de Ferrare).
L’homme et la mer
Homme libre, toujours tu chériras la mer !
La mer est ton miroir ; tu contemples ton âme
Dans le déroulement infini de la lame
Et ton esprit n’est pas un gouffre moins amer.
Sur Le Tasse en prison d’Eugène Delacroix
Le poète au cachot, débraillé, maladif,
Roulant un manuscrit sous son pied convulsif,
Mesure d’un regard que la terreur enflamme
L’escalier de vertige où s’abîme son âme
Les rires enivrants dont s’emplit la prison
Vers l’étrange et l’absurde invitent sa raison ;
Le Doute l’environne, et la Peur ridicule,
Hideuse et multiforme, autour de lui circule