Dans « la passion de la fraternité BEETHOVEN » (Stock Fayard, 2021), Erik Orsenna rend hommage au compositeur allemand, pour le deux-cent-cinquantième anniversaire de sa naissance.
Ludwig van Beethoven naquit à Bonn le 16 décembre 1770 dans une famille d’origine flamande (son patronyme signifie « champ de betteraves » et le « van » n’est pas un attribut de noblesse), négociante en vin de son état et musicienne de père en fils. Bonn, dit Orsenna, était un endroit du monde qui considérait, avant Nietzsche, que « sans musique, la vie serait une erreur, une fatigue, un exil ».
C’est à Vienne, capitale mondiale de la musique, qu’il s’installa pour étudier, puis pour composer et tenter de gagner sa vie. Le 29 mars 1827, 30 000 personnes participèrent aux obsèques du musicien. On dirait aujourd’hui qu’il était une star. Pourtant, jusque ses derniers jours il vécut dans la misère. « Comment voulez-vous survivre dans une société où personne ne se préoccupe de savoir comment se nourrissent les artistes, écrit Orsenna, où les rémunérations de leurs concerts demeurent des aumônes, toujours maigrelettes et toujours aléatoires, où la jungle règne puisque, le droit d’auteur n’existant pas, chacun joue ce qu’il veut et vole le confrère sans vergogne ? »
La vie de Beethoven fut marquée par le malheur. Le plus grand d’entre eux, dès l’âge de trente ans fut d’être progressivement gagné par la surdité, la plus cruelle infirmité pour un musicien. Mais il souffrit aussi de l’estomac, de la tête, des yeux. Probablement pour cela, il était maladroit en société, en particulier avec les femmes dont il tombait d’autant plus facilement amoureux qu’elles étaient déjà mariées ou indifférentes à lui.
Il pensa souvent au suicide, mais ce qui le maintint vivant, ce fut l’urgence de composer de la musique. Il était, dit Orsenna, « habité par un perpétuel, un torrentiel besoin de donner ». C’est ce qui le rend si fraternel. C’est ce qui rend si touchante la neuvième symphonie devenue l’hymne européen, « hymne à la joie », sur un poème de Schiller.
« Pour dire la fraternité, écrit Orsenna, le substantif ne suffit pas. Ce noble substantif Fraternité appelle les flonflons, les défilés. Il reste dans la solennité. Et les généralités. C’est l’adjectif qui rend le mieux la réalité de ce trésor. Tendez l’oreille. Que vous dit le mot fraternel ? » Fraternel est le qualificatif qui sied le mieux à Beethoven.
Erik Orsenna cite Victor Hugo : « les symphonies de Beethoven sont des voix ajoutées à l’homme. Cette étrange musique est une dilatation de l’âme dans l’inexprimable. L’oiseau bleu y chante ; l’oiseau noir aussi (…) Ces symphonies éblouissantes, tendres, délicates, profondes, ces merveilles d’harmonie, ces irradiations sonores de la note et du chant, sortent d’une tête dont l’oreille est morte. Il semble qu’on voie un dieu aveugle créer des soleils. »
« La fraternité BEETHOVEN » n’est pas une biographie. Il s’agit plutôt d’explorer les résonnances de l’œuvre du musicien sur un trio composé de l’auteur, qui tient le crayon, de Michel Dalberto au piano et d’Henri Demarquette au violoncelle. Je ne cache pas un certain agacement à cette mise en avant de l’écrivain, à l’aide d’anecdotes de sa vie. Mais c’était peut-être le prix à payer pour écrire un livre réellement personnel.