À Zarzis, le jardin d’Afrique

À Zarzis, dans le sud-est de la Tunisie, l’artiste algérien Rachid Koraïchi a financé et réalisé un cimetière pour inhumer dignement les migrants dont le corps s’est échoué sur la côte. Il lui a donné le nom de « Jardin d’Afrique ».

Ce cimetière couvre plus de 2 500 m² et abrite 600 tombes, dont 200 sont déjà occupées. La plupart des personnes enterrées ici sont identifiées par le lieu de la découverte de leur corps, et des objets retrouvés sur telles : « Femme robe noire, plage Hachani », « Homme tricot noir, plage Hôtel des 4 Saisons ».

Depuis plusieurs années, la ville de Zarzis s’efforçait de donner une sépulture digne à ces hommes, femmes et enfants qui, partis de Lybie sur des embarcations précaires, avaient perdu leur vie en mer. Le projet d’un cimetière est né d’une rencontre de l’artiste avec le président du Croissant Vert tunisien en 2018.

Dans le jardin sont plantés cinq oliviers symbolisant les cinq piliers de l’Islam et 12 figuiers au nombre des Apôtres du Christianisme. « Entre les tombes, écrit RFI, poussent des plantes, fleurs et arbres fruitiers encadrés par des allées pavées de céramiques colorées. Une métaphore, selon l’artiste, d’un paradis perdu. J’ai décidé de mettre cette allée de plantes grasses très belles, qui vont donner un peu de lumière et faire disparaître cette notion sordide et morbide des tombes, indique Rachid Koraïchi ». Un soin particulier a été apporté aux plantes odorantes, en particulier le jasmin, en contrepoint de la puanteur des corps en putréfaction lorsqu’ils ont été retrouvés sur une plage.

Le cimetière comporte aussi une salle de prière pour les familles. Il comportera également une morgue, afin que des prélèvements ADN puissent être effectués sur place.

Rachid Koraïchi dans le Jardin d’Afrique

Audrey Azoulay, directrice de l’UNESCO, a visité le  Jardin d’Afrique le 9 juin dernier. Dans son discours, elle a tenu à relever que « les invités de ce lieu sont des étoiles filantes (…) En leur donnant une sépulture, vous leur redonnez aussi la possibilité d’une identité. Une dignité (…)

« Ce projet est un acte pur d’humanité. Un projet qui permet un peu de sortir l’humanité de ces limbes d’impuissance ou d’indifférence dans laquelle elle s’est trop souvent plongée – car alors que des femmes et des hommes se noient, trop nombreux sont ceux qui détournent le regard (…) Ce jardin est un lieu où se déploie la puissance de l’art pour figurer l’irreprésentable, et donner à percevoir l’ampleur du drame des migrations qui se noue dans ces eaux méditerranéennes »

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