Le quotidien britannique The Guardian a publié le 20 juillet un long article de Zarlasht Halaimzai intitulé « Nous essayions d’être assez joyeux pour mériter nos vies nouvelles : à quoi ressemble vraiment d’être réfugié en Grande-Bretagne. »
Zarlasht Halaimzai a fondé en 2016 l’organisation « Refugee Trauma Initiative » qui travaille auprès de réfugiés dans des camps en Grèce, à la frontière de la Macédoine. L’organisation propose des sessions de groupe à des hommes, des femmes et des enfants qui ont vécu la violence, le déplacement et la torture. Elle se focalise sur le bien-être et l’appartenance à une communauté. Son but est d’aider les réfugiés à s’installer, à rétablir leur santé et à commencer à s’intégrer dans leur nouveau pays d’accueil.
Dans l’article du Guardian, Zarlasht Halaimzai raconte son expérience personnelle. Elle avait 11 ans en 1992 lorsque sa famille dut fuir l’Afghanistan. Elle arriva à Londres quatre ans plus tard. Elle s’attendait à ce que Londres soit un havre de paix après la violence et les angoisses de l’exil. Ce furent en réalité des années d’insécurité et d’anxiété.
Insécurité surtout dans les rapports avec une bureaucratie glaciale. « Ma mère nous réveillait à l’aube pour prendre l’un des premiers trains pour Croydon pour nous mettre en file pour une entrevue avec le Ministère de l’Intérieur. Nous trouvions là des multitudes de gens apeurés et moroses qui attendaient leur tour de défendre leur droit de rester en Angleterre. » Dans les groupes qu’anime Refugee Trauma Initiative, les participants décrivent les sentiments de panique et de désespoir qui les habitent quand ils sont confrontés à la bureaucratie.
« Il est difficile de décrire le sentiment de dislocation (en anglais, dis-location évoque l’arrachement à un lieu), écrit Halaimzai. Il est difficile à comprendre pour les gens qui sont nés dans des endroits qui les protègent de la misère du déplacement. Les photos de personnes brunes et noires dans les journaux ou sur des publicités de collecte de fonds par des ONG leur font croire qu’elles sont suspendues dans cet événement – une famine, une guerre – comme si rien n’avait précédé la faim ou la violence et comme si rien ne suivrait. Les gens ont du mal à se sentir concernés par une telle misère parce que, en regardant ces images, elles ont l’impression que leur sort est inévitable. »
« Si vous retirez la violence, dit encore Zarlasht Halaimzai, la guerre est comme une pantomime – absurde et absurde. Pour comprendre, les personnes qui vivent au milieu de la violence apprennent à raconter des histoires qui tiennent la douleur à distance. À l’époque, il me semblait presque pathologique que les êtres humains soient si déterminés à trouver une lueur d’espoir, quelle que soit leur situation. J’avais entendu une femme dire : « Dieu merci, le corps de mon fils a été retrouvé – au moins je sais où il se repose », et je ne pouvais pas comprendre comment on pouvait s’ancrer dans la gratitude alors que ce qu’on devrait ressentir, je pensais, était de la colère. Je me sentais perplexe quand les gens attribuaient cette attitude à quelque chose comme le courage – dans mon adolescence, je pensais que c’était de la lâcheté. Maintenant, je le comprends, nous avons besoin d’histoires pour survivre. Nous semblons incapables d’affronter l’humanité telle qu’elle est – déshabillée et pleine de terreur. »