Vietnam

Arte TV a récemment diffusé « Vietnam », une série de 9 documentaires de 52 minutes réalisés par Ken Burns et Lynn Novick, qui plonge le spectateur, mois par mois, dans l’enfer de ce qu’ils appellent « la mère des guerres modernes ».

Le premier épisode couvre la période de 1858 à 1961, le dernier de mars 1973 (la défaite américaine) à nos jours. Le  film fait une grande place aux images d’archive, venant tant du côté américain que vietnamien, mais aussi aux témoignages d’acteurs de cette guerre, des deux côtés.

Ce qu’il révèle de la grande histoire recèle sa part de surprises. On apprend qu’en 1945, Ho Chi Minh comptait sur les Américains pour éviter le retour de l’administration coloniale française en Indochine ; qu’en 1963, John Fitzgerald Kennedy était convaincu que l’engagement des États-Unis conduisait à un impasse, mais qu’il l’avait renforcé de crainte de passer pour un faible face au communisme et de compromettre sa réélection ; qu’en 1968, Richard Nixon avait torpillé une perspective de négociations de paix entre le Nord et le Sud Vietnam pour améliorer ses chances d’être élu président.

Les responsables américains sont aveuglés par leur théorie des dominos (la chute du Vietnam aux mains des Communistes était censée entraîner mécaniquement celle des Philippines ou de l’Indonésie). Ils ne comprennent pas la nature nationaliste et populaire du soulèvement. Ils soutiennent un régime sud-vietnamien corrompu et dictatorial, utilisent dès 1961 le napalm et des défoliants, et se placent ainsi en contradiction avec les valeurs qu’ils prétendent défendre.

Le régime nord-vietnamien lui-même est brutal, n’hésitant pas à massacrer des civils pour faire régner la terreur. Son idéologie l’amène parfois à de coûteuses erreurs stratégiques : l’offensive du Têt (1968) était censée provoquer la révolte des sud-vietnamiens opprimés. Or, non seulement les populations ne se soulevèrent pas, mais l’armée sud-vietnamienne appuyée par les Américains parvint à repousser les attaques.

Dans l’épisode 6 (Fantômes, juin 1968 – mai 1969), Vincent Okamoko, militaire américain né dans un camp d’internement de Japonais aux États-Unis pendant la seconde guerre mondiale, livre un témoignage poignant, qui dit l’atrocité de la guerre.

Il patrouille dans un village avec son opérateur radio, un infirmier et son interprète. L’équipe ne trouve ni armes, ni propagande communiste. Dans une maison se trouvent trois femmes, un bébé et un enfant d’environ 4 an. Une des femmes fait cuire du riz. Cela fait des mois qu’Okamoko n’a pas mangé de riz, le plat de base de son enfance. Par le truchement de son interprète, il échange un plat de riz, de poisson et de légumes contre des cigarettes, une boîte de viande et des pêches au sirop. C’est délicieux.

Son opérateur radio s’insurge : pourquoi manger le riz de ces pauvres gens ? Réponse d’Okamoko : du riz, il y en a pour 10 ! Cela fait tilt : qui sont les dix, où sont-ils ? On patrouille, on trouve l’entrée d’un tunnel, on balance une grenade, on en extrait 7 ou 8 corps carbonisés. On les expose sur la place du village pour repérer qui pleure, et qui l’on pourra interroger. La femme qui a préparé le riz est en larmes.

Vincent Okamoko parle des jeunes de 19 ou 20 ans envoyés au combat. Pauvres, ils n’ont pu échapper à la conscription. Pour eux, ces mois de service, c’est comme la météo ; il faut faire avec. Okamoko souligne l’infinie patience de ces jeunes, leur loyauté indéfectible envers leurs camarades, leur courage phénoménal au combat. Comment l’Amérique a-t-elle réussi à produire des jeunes gens pareils ? se demande-t-il.

Un pilote d’avion américain chargé de bombarder la piste Ho Chi Minh rend hommage aux conducteurs vietnamiens des camions qu’il cherchait à détruire, en réalité surtout des conductrices. Elles roulaient de nuit tous phares éteints. Elles prenaient le volant sur 25 km, sur un tronçon de piste qu’elles connaissaient par cœur, avec un chargement d’armes, et revenaient au point de départ avec des blessés. Elles aussi démontraient un courage phénoménal.

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